Publié le Mercredi 12 février 2020 à 20h53.

Coronavirus – Epidémie de racisme anti-asiatique

« Alerte jaune » à la une du quotidien régional Le Courrier picard du 26 janvier à propos du coronavirus. En rajoutant dans l’abjection raciste, son éditorial avait pour titre : « Le péril jaune ? ». Une expression à la mode aux siècles derniers pour évoquer le danger de voir les peuples asiatiques, dépeints comme aussi barbares qu’arriérés et inférieurs, dominer le monde. Un danger à nouveau évoqué dans la période actuelle de mondialisation capitaliste, avec la concurrence exacerbée que se livrent les divers impérialismes – notamment les Etats-Unis, l’Union européenne et la Chine, redevenue une puissance mondiale économique, politique et militaire. 

La nouvelle épidémie de pneumonie à coronavirus (2019 n-Cov), apparue en Chine où elle a fait plus de mille morts, a ouvert la boîte de Pandore d’un racisme toujours bien vivace en France comme dans le reste du monde occidental. Les réseaux sociaux témoignent du retour en force de ce racisme. L’hashtag #JeNeSuisPasUnVirus rapporte un nombre grandissant d’insultes, d’humiliations, d’actes discriminatoires, de violences même à l’égard de personnes perçue comme asiatiques. Jusque-là généralement insidieux, il a pu prendre également des formes violentes – comme ces agressions (plus de cent) dont la communauté chinoise d’Aubervilliers a été victime entre novembre 2015 et août 2016, avec notamment le meurtre de Chaolin Zhang le 7 août 2016. Mais le stéréotype, paternaliste, qui a dominé est plutôt celui de l’Asiatique docile, besogneux, certes sournois et prolifique mais s’intégrant bien dans « notre » société. A la différence des Africains subsahariens et maghrébins… Un stéréotype bien utile pour stigmatiser et dévaloriser, par comparaison, ces autres populations issues de l’immigration.

Racisme post-colonial

En France, le colonialisme a frappé d’un sceau indélébile le racisme africophobe actuel – avec un ressentiment tout particulièrement à l’égard des Algériens -, mais également, même si c’est à un autre niveau, le racisme contre les populations originaires de l’ancienne colonie indochinoise (Vietnam, Laos, Cambodge) considérées également comme sous-humaines. Et aujourd’hui, dans le contexte d’un racisme global qui désigne à la vindicte populaire des boucs émissaires pour tous les maux subis, ce racisme spécifique reprend vigueur avec l’apparition du coranavirus et les peurs collectives irrationnelles qu’engendre son épidémie, avec des médias qui jouent sur la panique quand ce n’est pas ouvertement sur la xénophobie. De modèle d’intégration, les populations originaires d’Asie se sont transformées aux yeux de certainEs en responsables de la propagation du virus, elles aussi détruisant de l’intérieur « nos » sociétés…

Comme il fallait s’y attendre, l’extrême droite a instrumentalisé sans honte aucune l’épidémie de coranavirus. Valeurs actuelles (9 février), après avoir affirmé péremptoirement que « la Chine fait régulièrement peser sur l'humanité de nouvelles menaces épidémiologiques », désigne le coupable : les migrations consécutives à la « mondialisation ». Le remède à l’épidémie ? « Contenir » les migrations : « Face aux contagions, la fermeture du pays et le contrôle drastique sont la seule solution en attendant un éventuel vaccin. C'est cette fermeté, que l'on feint de dénoncer, qui permettra sans doute d'éviter de devoir choisir entre la peste et le choléra. » L’extrême droite, elle, est à la fois la peste et le choléra !

Pour une solidarité globale dans un monde global

Loin de ces délires racistes et protectionnistes, l’article publié le 28 janvier sur notre site (« Santé : le retour des épidémies ») se conclut par un appel à la solidarité : « Sida, coronavirus, ebola, zika, dengue hémorragique. Entre mondialisation capitaliste, réchauffement climatique, mégapoles et systèmes de santé inégalitaires, nous vivons le retour des épidémies. Rien qu’en 2019, l’Asie aura connu plus de d’1,3 million de cas de dengue, saturant les hôpitaux, ponctionnant les ressources des plus modestes. Un nouveau virus est né. Dans un monde global où tout circule plus vite, il sonne comme un rappel pour une solidarité globale, car les virus se rient des frontières, et se développent grâce aux inégalités, aux injustices, à l’absence de pouvoir sur nos vies. »