Publié le Lundi 1 juin 2009 à 09h54.

"Besancenot et la filière corse" (Le Parisien du 31 mai)

C’est l’ouverture à la mode Besancenot : un rapprochement avec les « patriotes » corses.

Présent hier soir à Bastia (Haute-Corse) pour un meeting, le facteur du Nouveau Parti anticapitaliste a profité de son passage sur l’Ile de Beauté pour sceller son alliance avec les indépendantistes, ses nouveaux amis politiques. Car le NPA compte bien bénéficier d’une partie des voix nationalistes pour obtenir au moins un élu lors des élections européennes du 7 juin dans la grande région du Sud-Est.

Entre les trotskistes et la Corse, c’est une vieille histoire de compagnonnage. Elle remonte aux temps où, dans les années 1970-1980, la presse indépendantiste était en vente à la Ligue communiste révolutionnaire. Le NPA de Besancenot a pris la suite et garde, selon Christophe Bourseiller, spécialiste de l’extrême gauche*, « une empathie pour tous les mouvements indépendantistes, des Corses aux Guadeloupéens du LKP ».

Visiteur régulier des journées nationalistes de Corte l’été, Olivier Besancenot était hier soir l’hôte d’Alain Mosconi, qui figure en troisième position sur la liste. Responsable marin du Syndicat des travailleurs corses (STC), proche des milieux indépendantistes, Mosconi fait, dit-on, « la pluie et le beau temps sur le port ». « Nous avons l’anticapitalisme et le droit à l’autodétermination du peuple corse en commun », justifie le facteur, avec l’emblématique drapeau à la tête de Maure derrière lui. Le goût de l’action radicale aussi. Personnage contesté, y compris au sein du STC, Mosconi a été en septembre 2005 la figure de proue du détournement du navire « Pascal Paoli » vers Bastia avant de provoquer l’intervention du GIGN. Qui trouvait-on à l’époque dans le comité de soutien ? Un certain Besancenot, qui clame « son admiration » pour le « mutin »…

« Son discours sur la reconnaissance de notre peuple et de notre nation est intéressant »

Mais hier soir, Mosconi n’est pas seul sous le chapiteau planté près d’une plage. Edmond Simeoni, un des « pères » du nationalisme corse, est là. Des militants du STC et de Corsica Libera, qui regroupe à l’Assemblée territoriale une partie de la nébuleuse indépendantiste, ont fait le déplacement au côté du sulfureux Jean-Guy Talamoni, considéré par les uns comme « le porte-serviette des cagoulés » et par les autres comme « une incarnation du nationalisme à visage humain ». En 2007, cette figure (qui s’est invitée récemment dans la villa corse de Christian Clavier…) avait accordé son parrainage d’élu au facteur pour la présidentielle. A l’époque, l’« historique » Alain Krivine avait servi de rabatteur. « Je ne défends pas le programme de Besancenot, mais son discours sur la reconnaissance de notre peuple et de notre nation est intéressant », admet Talamoni. Bien en vue aussi, les militants de A Manca nationale (la Gauche nationale), un groupuscule indépendantiste issu, il y a dix ans, d’une scission du FLNC. Si tout recours à l’action armée et à la clandestinité est exclu, les objectifs n’en restent pas moins clairs et portent entre autres sur « le rapprochement puis la libération des prisonniers politiques corses ». « Et de tous les prisonniers, Yvan Colonna (NDLR : condamné pour l’assassinat du préfet Claude Erignac) compris », souligne Serge, l’un de ses fondateurs.

Il en faudra plus pour ratisser les voix nationalistes. Sur 800 chaises installées hier soir, les trois quarts sont restées vides. « Veille de Pentecôte, tout le monde est rentré au village » explique-t-on.

Par Eric Hacquemand.