Publié le Jeudi 19 juillet 2018 à 14h21.

Que prévoit le plan biodiversité ?

Ce plan est sous-titré « Reconquérir la biodiversité, une question de survie pour nos sociétés ». Le choix des mots interpelle : « Reconquérir »… comme si la bio-diversité pouvait être conquise et, a fortiori, reconquise ! Alors qu’il s’agit d’essayer de ralentir ou d’arrêter la perte de biodiversité, on a toujours l’idée que l’être humain doit contrôler la nature. Quant à l’expression « nos sociétés » plutôt qu’« humanité », elle minimise les impacts des destructions sur la survie de l’humanité, pas seulement de « nos sociétés » : tous les humains sont touchés.

Axe 1. Reconquérir la bio-diversité dans les territoires

Il fixe comme objectif la lutte contre l’artificialisation des sols, Nicolas Hulot visant même à zéro artificialisation nette. Mais, avec des mesures déjà existantes (par exemple les instructions aux préfets contre l’étalement urbain, prévues dans la loi SRU, dont les zones commerciales et les lotissements qui ceinturent toutes nos villes démontrent la grande efficacité), très tape-à-l’œil (valorisation des villages fleuris…) ou imprécises. Le sens des mots est dévoyé : planter des arbres en ville, c’est bien, mais ce n’est pas la nature, c’est une forme d’artificialisation, tout comme l’utilisation des terres pour la culture. Pour Édouard Philippe, la désartificialisation signifie aussi « construire autrement ». Il cite les parkings qui pourraient être construits tout en luttant contre l’imperméabilisation des sols afin de « réduire considérablement l’inconvénient sur le milieu ».

De toute façon, aucune évaluation financière sérieuse n’est prévue et encore moins de financement, sauf à siphonner le budget des agences de l’eau qui, souvent, couvrent déjà des actions de ce type et dont la récente loi de finances a réduit les moyens !

Axe 2. Construire une économie sans pollution et à faible impact sur la biodiversité

Il s’agit essentiellement de la transition dite agro-écologique. Comment peut-on parler d’écologie alors que ce plan sans la moindre ambition ne prévoit pas l’interdiction des pesticides ? Qu’il prétend favoriser les prairies permanentes tout en autorisant les élevages industriels ? Comme dans le reste du plan, on ne trouve ni engagements précis ni définition des ressources.

L’objectif de zéro plastique rejeté en mer en 2025 ne fait que reprendre une directive européenne et plutôt qu’interdire les objets à usage unique le gouvernement préfère favoriser le gaspillage avec des objets biodégradables (lesquels le sont rarement à 100% et jamais immédiatement).

Quant à la lutte contre les pollutions lumineuses, elle repose sur l’évaluation et les initiatives citoyennes ! Les pollutions sonores sont carrément passées à la trappe…

La politique en direction des entreprises est une litanie de vœux pieux. Comme l’importation de bois qui ne devra plus favoriser la déforestation à partir de… 2030.

Axe 3. Protéger et restaurer la nature

On nous annonce 20 nouvelles réserves naturelles dans le quinquennat, mais sans préciser lesquelles. Ce détail est important car c’est typiquement le genre de mesures qui ne peut pas s’improviser, sauf à simplement faire un effet d’annonce. Aucune ambition : on reste sur 2% d’aires protégées, sans préciser comment y arriver, alors qu’il en faudrait 10%. Un nouveau parc national en Bourgogne Franche-Comté ? Mais avec des usages (chasse, agriculture) qui dénaturent l’idée même de parc national et sans dire que le dossier est quasi finalisé, car mis en place par… François Fillon en 2009. Ah ! L’art du recyclage ! Rien sur le loup et le lynx menacés ! Rien sur la protection des espèces à statut de conservation défavorable, dont beaucoup sont encore chassées. La mer n’est pas mieux lotie, avec une augmentation de 10 000 ha des zones protégées, soit une -augmentation de 5%.

Pour sauvegarder la biodiversité des sols, il faudra compter sur la « mise en place de mesures […] via le déploiement d’un plan d’actions » : production d’un document descriptif, diffusion de documents existants, actions de normalisation, promotions et encouragements. Bref, du blabla.

Axe 4. Développer une feuille de route européenne et internationale ambitieuse pour la biodiversité

Quand on s’aventure sur ce terrain (en proposant par exemple de « renforcer la lutte contre le trafic des espèces en Afrique »), le minimum serait d’être exemplaire en France ! Mais rien dans le plan pour lutter contre les chasses illégales ici (braconnage dans l’estuaire de la Seine) ou les pratiques portant atteinte aux espèces protégées (chasse à la glu, pièges de type matole) tolérées sur le territoire national. Rien sur la politique outre-mer alors que la France abrite et ne protège pas assez de très nombreuses espèces en danger majeur d’extinction.

Axe 5. Connaître, éduquer, former

Le plan réussit l’exploit de ne pas citer les associations très actives dans ce domaine et si on dit (sans préciser les moyens) vouloir aider les organismes de recherche, on « oublie » le problème de fond : la collecte des données, assurée à 90% par les bénévoles associatifs sans pratiquement aucune aide publique. Le comble de l’hypocrisie consistant à mettre en valeur les sciences dites participatives (données citoyennes non financées évidemment !) pour ne rien dire sur le travail rigoureux de collecte associative (sinon il faudrait poser la question de son financement…), alors que les deux approches sont indissociables. On ne dit rien sur le financement des actions dans les écoles, à l’heure où les classes transplantées meurent faute de moyens, où les enseignantEs n’ont plus les ressources matérielles pour sortir les enfants en nature et où plus personne ne veut financer les actions des associations dans les écoles en partenariat avec le corps enseignant. 

Axe 6. Améliorer l’efficacité des politiques de biodiversité

C’est l’axe le plus « surréaliste ». On ne prévoit ni moyens financiers ni moyens réglementaires pour rendre efficaces les mesures prévues dans les axes et dans tous les textes antérieurs à ce plan, mais on écrit un axe supplémentaire pour améliorer leur efficacité. Plus cocasse, on reconnaît la nécessité d’augmenter les financements, pour en conclure que la solution est de « favoriser le mécénat » ! Messieurs et mesdames les pollueurs, destructeurs de tout bord, une tite pièce, s’il vous plaît…

Cerise sur le gâteau, la 90e et dernière action vise à garantir l’absence de « perte nette de biodiversité » grâce à « l’application de la séquence éviter-réduire-compenser ». Comme si l’on pouvait créer de la biodiversité !