Publié le Mardi 7 juillet 2020 à 10h45.

« Vague verte » : forte, ambiguë mais propice au débat

Avec toute la prudence nécessaire compte tenu du phénomène d’abstention record, il semblerait malgré tout que se confirme et s’amplifie un glissement électoral significatif.

Les consciences, les idées, les représentations bougent : ces mouvements sont à analyser avec sérieux car des conclusions politiques doivent en être tirées. EÉLV avait réalisé un bon score aux européennes l’an passé, 13,5%. Transformer l’essai n’était pas gagné d’avance. Dans le contexte d’écœurement démocratique, de la crise du Covid-19 dont l’origine écologique est perçue très largement, les espoirs des militantEs d’EÉLV sont même dépassés.

Succès impressionnants

Marseille, Bordeaux, Lyon, Strasbourg auront unE maire EÉLV. Grenoble confirme son vote de 2014. Des villes moyennes comme Tours, Poitiers, Colombes, Besançon, Annecy sont gagnées par des listes conduites par EÉLV… À Lille, ça c’est joué à peu de choses. Dans de nombreuses villes dirigées par le PS et reconduites, et à Paris en premier lieu, EÉLV conforte ses positions. Certains commentaires affirment que ces succès sont limités aux villes, et les analysent comme vote de couches moyennes. Cette analyse est hâtive car en milieu rural où le score d’EÉLV aux européennes était comparable à celui dans les villes, les appartenances partisanes aux municipales ne s’affichent que rarement.

Alliances à gauche...

Clivage droite-gauche pas mort, n’en déplaise à Yannick Jadot ! C’est sur fond de discrédit massif et rapide du macronisme, suite principalement aux batailles des Gilets jaunes et sur les retraites mais tout autant de l’affaiblissement très important du PS lors des scrutins de la présidentielle et des européennes, de la marginalisation historique du PCF, que EÉLV a réussi bien souvent à s’ériger en « leader à gauche ». Ce n’était pas le « plan Jadot 2019 » qui stigmatisait « les vieux clivages » mais c’est cela qui s’est réalisé pragmatiquement dans les villes. Avec souvent, il faut bien le noter, des ambiguïtés soigneusement maintenues. Les réalités locales sont diverses bien sûr, et on a pu voir des PS macronistes s’activer sur certaines de ces listes « d’union de la gauche » comme à Metz où la tête de liste EÉLV était macroniste en 2017 avec un passé à l’UDI. À l’opposé, le lien entre les fortes marches pour le climat et l’élection est assez évidente à Lyon.

… parfois contre le PS

Strasbourg gagnée sur une réelle dynamique et Lille sauvée in extrémis par Martine Aubry en sont les exemples les plus nets : la bataille a parfois été celle de « la jeunesse contre le vieux monde ». EÉLV, parti aux effectifs pourtant modestes et à l’orientation très institutionnelle, a réussi à être pôle de rassemblement dans cette campagne électorale.

Vote EÉLV, symptôme du changement d’époque

Les luttes émancipatrices se mènent très rarement dans la plus grande clarté, c’est un euphémisme ! Le capitalisme et son productivisme intrinsèque nous ont fait entrer dans une nouvelle ère, l’anthropocène. Il ne s’agit pas d’un nouveau paragraphe dans la description de la crise du système capitaliste, un paragraphe s’ajoutant aux dimensions sociales, politiques ou démocratiques. L’écologie nous parle des conditions matérielles de toutes les luttes. Et même si c’est de manière bancale, non explicite, partielle, floue, le vote écolo lors de ces municipales a porté cette idée.

Vitupérer la « vague verte » ou préparer la vague écosocialiste ?

Léo Ferré moquait les fourreurs, petits-bourgeois boutiquiers, « vitupérant l’époque » : quel triste renversement ce serait de voir les révolutionnaires se contenter de « vitupérer » la « vague verte », n’osant pas révolutionner leur pensée, distinguer le neuf, le radicalement neuf, rechignant à remettre l’ouvrage sur le métier, à travailler les questions écologiques si urgentes et à réorganiser leur pensée ! Quelle coupable sous-estimation des ravages du capitalisme ce serait !