Publié le Jeudi 17 janvier 2019 à 10h36.

Supérieur hors contrat : l’uberisation chez les enseignantEs

En matière d’exploitation et d’instabilité au travail, la difficile situation des professeurEs de l’enseignement privé hors contrat est mal connue. On parle ici d’enseignantEs qui travaillent, en général, dans les écoles de commerce, de tourisme, de spécialisation professionnelle (BTS par exemple), etc., délivrant des diplômes d’État ou non. Des enseignantEs dont les conditions de travail tendent de plus en plus vers l’uberisation.

Ces professionnelEs perçoivent de bas salaires (payés en fonction des heures en face-à-face pédagogique et pas pour les préparations, corrections, etc.). Normalement ils et elles travaillent dans divers établissements : c’est le souci de chaque début d’année où il faut se construire un emploi du temps qui prenne en compte les nombreux déplacements. Le travail est, en outre, caractérisé par la saisonnalité (pas de travail en été et en vacances scolaires), l’instabilité (d’une année à l’autre on peut gagner ou perdre des heures d’enseignement). Enfin, la plupart des enseignantEs sont obligés de compléter leur emploi de temps en donnant des cours individuels en entreprise ou des cours particuliers pour une faible rémunération.

Profs auto-entrepreneurs

À tout cela, il faudrait ajouter une nouvelle tendance, celle des profs auto-entrepreneurs, qui est de plus en plus à l’ordre du jour. Ainsi, les écoles font le tri lors des entretiens d’embauche et préfèrent ceux et celles qui ont le statut d’auto-entrepreneur, qui sont plus « flexibles » et plus faciles à exploiter. Dans le secteur public déjà, si les enseignantEs veulent faire des heures de vacation dans une université ou école supérieure, il faut montrer qu’ils ont déjà effectué au minimum 300 heures d’enseignement annuelles dans un autre établissement ou bien avoir le fameux statut d’auto-entrepreneur. C’est-à-dire que, pour celles et ceux qui cherchent désespérément des heures de travail, devenir « son propre chef » est la seule voie d’entrée… dans la précarité (pour être payé 3 ou 6  mois plus tard). Avec comme implications : pas de congés payés, pas de mutuelle d’entreprise, moins de cotisations pour la retraite, tous les risques économiques à la charge des travailleurEs, des collègues qui deviennent des concurrents, etc. 

Profs jetables ?

Comme conséquence, chez les enseignantEs du supérieur (privé), on retrouve de la démotivation, un sentiment d’injustice et de l’indignation (beaucoup de personnes qui aimeraient changer de métier face au manque de dignité professionnelle), un sentiment d’isolement (vie sociale fragilisée), d’individualisation et de mise en concurrence pour prendre les miettes distribuées. Une précarité très intéressante pour le patronat, qui peut choisir librement des travailleurEs très bien formés mais peu payés, dominés, prêts à travailler plus et, encore « mieux », à être auto-entrepreneurs. 

Qui plus est, bien que la plupart des écoles fassent de bons, voire très bons chiffres d’affaires (grâce aux frais d’inscription élevés), les enseignantEs ne sont qu’une petite pièce du puzzle. Ces écoles cherchent ainsi des formules pour dispenser des cours… sans professeurE. D’où la mise en place des cours e-learning, avec des suppressions d’heures pour l’enseignantE.  

On parle ici d’un personnel très difficile à mobiliser (très peu sont syndiqués) qui se trouve seul face au chef pour« négocier » les conditions de travail, qui craint ses supérieurs hiérarchiques et la perte de son travail même précaire. Mais au-delà de ces difficultés, il s’agit de se battre pour situer ces injustices sur le terrain de la lutte de classes. Contre la volonté du gouvernement de voir plus de contrats courts, luttons dans une logique de convergences de luttes contre la précarisation et l’uberisation de la société proposée par Macron ! 

David (NPA 69)