Publié le Mercredi 28 juin 2017 à 10h10.

Ford Blanquefort (33) : Non, il n’y a vraiment pas d’immunité ouvrière !

C’est par lettre recommandée que quatre militants syndicalistes de l’usine Ford ont reçu le 1er juin dernier une ordonnance pénale signifiant leur condamnation à 231 euros d’amende pour trois d’entre eux et 431 euros pour celui qui est considéré comme le meneur. Ce n’est pas une mince affaire car il s’agit bien d’un délit et pas d’une contravention. Un délit qui restera inscrit dans le casier judiciaire...

C’est un juge à Paris qui a décidé cette sentence à partir des rapports de police, sans même organiser un procès, sans même inviter les syndicalistes à se défendre contre les accusations. C’est donc comme ça que ça se passe...

Pour rappel, Ford avait porté plainte contre des syndicalistes pour de prétendues dégradations sur leur stand au Salon de l’automobile. Nous étions effectivement environ 300 salariés en 2012, puis une centaine en 2014, à avoir manifesté à Paris pour la défense de nos emplois, en envahissant le stand Ford, à coups notamment d’autocollants et de confettis… En réalité, ni Ford ni personne n’a apporté aucune preuve de dégradation. Dans leur plainte, les dirigeants de la multinationale parle d’un capot de voiture légèrement enfoncé, mais les photos ne sont pas du tout démonstratives et surtout la réparation aurait été effectuée six mois après les faits... Enfin, les plaignants n’apportent aucune preuve non plus sur qui précisément aurait pu faire ces dégradations : précisons que la condamnation collective, ça n’existe pas...

Mais la justice, à l’image d’un procureur et d’un juge, ne s’embarrasse pas de trop de ce type de détails. Il y a eu manifestation, un patron mécontent, de la mauvaise publicité, une plainte déposée, le parquet qui s’en mêle trois ans après, des convocations policières pour essayer d’établir les faits largement contestés par les militants visés, des mois sans aucunes nouvelles, et on se retrouve donc 15 mois plus tard avec ces ordonnances pénales.

Menaces sur notre avenir

Tout cela est clairement inacceptable, et c’est pour cela que nous faisons opposition à cette décision de condamnation. Alors il y aura une suite, avec certainement un procès. C’est donc une bataille qui continue contre la répression et les tentatives d’intimidation, mais aussi pour le droit à manifester et la liberté d’expression. 

Tout cela se passe aussi dans un contexte toujours difficile, avec des menaces lourdes concernant l’avenir du site et de ses 910 emplois (sans compter les emplois induits). L’activité actuelle largement insuffisante se termine d’ici 18 mois (début 2019), et à ce jour, nous n’avons rien au-delà. Ford n’apporte aucune production et reste pour l’instant très silencieux, ce qui est particulièrement inquiétant. 

En début d’année, nous avions fait des journées de grèves, des débrayages, des rassemblements à Bordeaux pour protester et secouer les pouvoirs publics comme pour pousser Ford à changer de politique. Cela avait permis d’alerter et de réactiver le « dossier ». Mais cela ne suffit pas : il faut une véritable mobilisation des salariés, de la population aussi, pour changer la donne.

Comme dans beaucoup d’endroits, l’ambiance dans l’usine est à la résignation. Mais pour une minorité de salariés, il s’agit de ne pas lâcher, de résister et d’essayer d’entraîner les collègues pour réamorcer la bataille pour la sauvegarde des emplois. Même avec les intimidations patronales et les condamnations pénales, on s’accroche et on y croit encore.

Philippe Poutou