Publié le Lundi 21 décembre 2015 à 09h25.

Les syndicats sont-ils apolitiques ?

Le mouvement syndical français a toujours été marqué par la politique, dès la création d’une CGT travaillée par les débats du mouvement ouvrier. 

Évolutions, adaptations et tensions...

La création de la CFTC répondait à la volonté très politique de la hiérarchie catholique de contester l’hégémonie la CGT « socialiste »sur la classe ouvrière. La CFDT qui en est issue commencera par se politiser « à gauche » jusqu’à être partie prenante de la construction du PS avec les Assises du socialisme de 1974, jusqu’au « recentrage syndical » de 77, puis le soutien actif au gouvernement d’Union de la gauche de 1981. Cette évolution aboutit finalement à l’alignement sur les politiques de moins en moins sociales de la « gauche », avec la rupture complète de 1995 consacrant un « apolitisme » qui n’est rien d’autre qu’une acceptation du système, y compris dans sa version néolibérale...

Du coté de Force ouvrière, l’acte de naissance anticommuniste, masqué sous l’antistalinisme, se prolonge dans un positionnement où l’apolitisme masque mal les accointances d’une partie de l’appareil – voire de structures de base (comme à Airbus) – avec des partis de droite, pendant que d’autres ont « partie liée » avec le PS.

En ce qui concerne la CGT, les virages, les errements politiques du PCF, y ont régulièrement semé le trouble. La crise s’est approfondie  à partir de 1981. Le soutien acritique de 81-83 donnera toute son ampleur au désarroi de l’après 83, la chute du mur de 89 finissant de décourager Billancourt et de déstabiliser « Montreuil ». 

Et ces derniers temps, même Solidaires en est arrivé à une défiance marquée vis-à-vis des partis politiques.

Du 13 novembre…

C’est ce contexte, ces histoires, qui éclairent les positionnements dans les situations imbriquées des attentats du 13 novembre et de l’élection régionale d’il y a quelques jours. Des positionnements qui tentent aussi de répondre, de prendre en compte les évolutions des repères politiques des dirigeantEs, des militantEs, des adhérentEs, des sympathisantEs, des salariéEs.

Après le 13 novembre, toute l’intersyndicale (sauf FO qui séparément « salue l’intervention des fonctionnaires et agents des services publics ») ont dénoncé les attentats et « exprime son émotion mais assure aussi que rien ne saurait remettre en cause sa détermination à lutter contre toutes les atteintes à la démocratie, à la paix et aux libertés. (…) Pour lutter contre les replis, les stigmatisations, les divisions, contre toutes tentatives de terreur dans lesquelles veulent nous enfermer les terroristes, afin de continuer à faire société ensemble ».

La plupart des organisations syndicales étaient présentes à la cérémonie des Invalides. Mais la CGT et Solidaires critiquent l’état d’urgence, et nombre de leurs structures ont participé à des initiatives contre celui-ci.

… aux élections régionales

Face au Front national, les organisations syndicales (sauf FO) soutiennent depuis 1996 l’association VISA (Vigilance et initiatives syndicales antifascistes). La progression de l’« audience » du FN chez les salariéEs, voire chez les militantEs, les ont conduites à mener des campagnes contre le FN. La CGT et la CFDT ont imposé des mesures d’exclusion de responsables syndicaux affichant ouvertement leur appartenance au FN.

Dans le cadre électoral, CFDT, CFTC, UNSA, FSU CGC se sont retrouvés dans la condamnation du FN et, du côté de la CFDT, « demande aux partis républicains de prendre leurs responsabilités pour qu’en aucun cas le Front national ne puisse accéder à la présidence d’une région ». Solidaires et la CGT ont complété ces appels par une dénonciation explicite des responsabilités sociale et politique du gouvernement. 

Au final, c’est bien l’appréciation de la politique gouvernementale qui organise le partage des positionnements sur la façon de lutter contre le FN. La mobilisation des salariéEs sur leurs revendications, contre les politiques patronale et gouvernementale, seront le meilleur point de départ, la base de l’unité pour faire reculer l’extrême droite.

Robert Pelletier

 

1er tour des régionales 2015 (en pourcentages de voix)

Partis

Ensemble votants

Proches syndicat

CGT

CFDT

FO

Autres syndicats

Extrême gauche

1,6

4

3

-

10

5

Front de gauche-EELV

11,3

18

35

15

9

10

PS-PRG

23,5

24

23

26

30

23

Écologistes

1,0

2

1

-

-

4

Républicains-UDI

27,1

17

8

23

9

25

Front national

28,4

29

27

26

34

27

Par rapport aux élections européennes de 2014, le vote FN a progressé dans tous les syndicats : de 25 % à 29 % pour l’ensemble des salariéEs proches d’un syndicat, de 22 % à 27 % pour la CGT, de 17 % à 26 % pour la CFDT et de 33 % à 34 % pour FO.