Publié le Mercredi 6 juin 2018 à 11h14.

Angola : armes et pétrole au menu de la visite

La visite du président Lourenço, fin mai à Paris, a permis la signature de juteux contrats pour Total mais aussi d’accords militaires, qui ouvrent des perspectives commerciales pour les vendeurs d’armes tricolores.

La rencontre de João Lourenço avec Macron s’inscrit dans la continuité d’une volonté politique : celle de tourner la page de l’Angolagate qui a miné les relations entre les deux pays pendant une décennie. L’Angola connaissait alors un boom économique grâce au pétrole, et était classé comme le deuxième producteur d’or noir de l’Afrique subsaharienne. Mais la chute des cours du baril a précipité le pays dans une crise économique profonde.

Nouveau pouvoir

Depuis son indépendance, le pays est dirigé par le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), qui a remporté toutes les élections, ne laissant aucun espace politique à son principal concurrent, l’UNITA.

Un MPLA divisé, qui a permis à Lourenço d’être désigné candidat à la présidentielle contre l’avis de l’ancien président Dos Santos qui espérait transmettre les rênes à son fils.

Dans sa lutte pour le pouvoir, Lourenço s’est servi de la frustration du MPLA, qui n’a pas apprécié le népotisme de Dos Santos, lequel a nommé son fils à la tête du fonds souverain du pays, et sa fille à la direction de la société pétrolière nationale, la Sonangol. Lors de l’élection présidentielle, Lourenço a surfé habilement sur le ras-le-bol des 38 ans de pouvoir de Dos Santos, en promettant un pays plus démocratique, une lutte contre la corruption et l’amélioration de la situation sociale par la diversification des activités économiques et l’ouverture aux investisseurs étrangers.

Mais les inculpations contre le fils et la fille Dos Santos et le limogeage d’une partie de l’élite sont plus un règlement de compte entre les deux fractions de la caste dirigeante du pays qu’une authentique lutte contre la corruption.

Quant à l’approfondissement de la démocratie, un manifestant de la ville de Cazenga grièvement blessé par la police peut témoigner des limites de cette politique, tout comme d’ailleurs le journaliste Rafael Marques qui est l’objet de harcèlement judiciaire pour dénonciation de la corruption dans son pays.

Business et armement

La venue en France du nouvel homme fort de l’Angola a renforcé la position de Total, qui obtient des nouveaux blocs pour l’exploitation du pétrole offshore avec des avantages fiscaux particulièrement intéressants.

À cela s’ajoute la signature d’un accord de défense prévoyant la fourniture d’armes. L’objectif est double : la protection des côtes maritimes, qui peut s’étendre à la lutte contre la piraterie qui sévit dans le golfe de Guinée, et la possibilité que l’Angola renforce les opérations de la Minusca (ONU) en Centrafrique.

Enfin la question de la RDC a été évoquée, Paris souhaite que l’Angola, qui a toujours soutenu le régime de Kabila, fasse pression pour que les élections dans ce pays puissent réellement avoir lieu en décembre 2018. L’Angola commence en effet à être inquiet de la situation de son voisin avec l’afflux de plus en plus important de réfugiéEs qui fuient les violences politiques.

Malgré la crise, l’Angola reste un pays avec un potentiel économique fort. Le programme de visite de Lourenço prévoyait une rencontre avec 80 chefs d’entreprise au Medef, visiblement peu gênés de faire des affaires avec une élite gangrenée par la corruption qui s’est contentée de gérer la rente pétrolière pour son unique profit.

Paul Martial