Publié le Mercredi 12 juin 2019 à 10h18.

Grèce : retour sur les élections

Plus que de l’échec de Syriza, donc la raison essentielle est l’application des mémorandums de la Troïka, il y a urgence à discuter de l’échec, à la gauche de Syriza, à construire, en 4 ans de gouvernement Tsipras, une perspective crédible.

Même si des réactions anti-droite se sont exprimées après le 1er tour des régio­nales et municipales, aucun mouvement de masse ne s’est constitué entre les deux tours, et la droite a fait une razzia aux régionales (12 régions sur 13), avec des résultats plus contrastés aux municipales. Partout, une baisse de participation, des reports à gauche souvent faibles mais, dans les banlieues ouvrières, un certain nombre de mairies restent à la gauche : Keratsini, Perama (listes soutenues par Syriza). Mais on note aussi aussi des pertes historiques : Egaleo (Syriza), Haïdari et Kaisariani (KKE, PC grec), cette dernière ville étant un symbole de la lutte contre la barbarie nazie. Hors Athènes, le maire KKE de Patras est réélu (70 %, bon report à gauche).

Répétons-le : la défaite globale de Syriza n’est certes pas un effondrement comme l’avait connu le Pasok en 2015. Mais, avec ces élections, c’est une droite dure qui prépare son retour, et même si les consignes sont de jouer la modération avant les législatives du 7 juillet, ses dirigeants annoncent déjà la couleur (impôts, privatisations, retraites…), avec des menaces explicites contre les libertés (droit d’asile universitaire, police partout dans certains quartiers…). Et des figures connues et dangereuses de la droite extrême sont d’ores et déjà candidates pour la « Nouvelle Démocratie ».

Et à gauche ?

En dehors du KKE, qui se dit satisfait bien qu’il continue à perdre, on reconnaît la défaite : Lafazanis, dirigeant de l’Unité populaire/LAE, vient de démissionner de la direction du mouvement. À Antarsya, les analyses des différentes composantes sont assez divergentes, entre NAR qui n’appelait à voter pour personne au second tour, et SEK appelant à voter KKE et Syriza ! Mais c’est sur le fond que les analyses sont urgentes, et on évoquera ici 3 points :– La compréhension de la notion de gauche : pour l’immense majorité de la gauche anticapitaliste, Syriza est de droite, et tout combat commun avec ses militantEs est exclu, y compris dans la lutte antifasciste. Le vote populaire anti-droite dans certaines banlieues, dans un contexte difficile, va-t-il faire réfléchir ? C’est décisif pour éviter le défaitisme et le sectarisme– L’absence de l’outil syndical : la GSEE, confédération unique avec une direction Pasok ayant couvert la politique des mémorandums, est moribonde ; le KKE a construit « son » syndicat, PAME, et la gauche anticapitaliste promeut les syndicats de base. Du coup, c’est la possibilité de rencontres et de confrontations, mais surtout de luttes communes, qui est en ce moment gravement atteinte. Lancer la reconstruction syndicale unitaire et de classe est une priorité !– Quelle gauche anticapitaliste ? Antarsya n’a pas réussi à être l’instrument de convergence, et s’il reste élément de référence clé, la crise est ouverte, comme le note une de ses composantes, « on est passé de l’Antarsya de ses membres à l’Antarsya des plateformes » concurrentes, ce qui a conduit à un éclatement risquant de s’approfondir. Le malaise dans le milieu anticapitaliste et ses différentes initiatives (Antarsya, UP/LAE, Synandisi…) débouchera peut être sur un dépassement, si on sait agir ensemble dans la gauche anticapitaliste et surtout proposer des cadres de front unique, plus urgents que jamais !

À Athènes, A. Sartzekis