Publié le Lundi 27 juillet 2020 à 19h08.

Les menaces d’étendre l’occupation de Portland à d’autres villes

Alors que des agents fédéraux anonymes poursuivent leur campagne d’attaques violentes et illégales contre les manifestant·e·s de Black Lives Matter (BLM) à Portland, Oregon, provoquant une réaction de plus en plus forte, le président Trump déclare qu’il enverra d’autres agents fédéraux dans différentes villes pour semer le chaos.

Suite à la chute des sondages, due en partie à son échec total concernant le coronavirus, Trump cherche à détourner l’attention de cette faillite et à renforcer sa stature d’autocrate fort qui peut écraser le soulèvement du mouvement BLM en déchaînant des voyous en tenue de travail camouflée contre des manifestant·e·s en grande partie pacifiques.

Il dépeint les villes du pays comme étant hors de contrôle en raison de la vague de protestations qui a éclaté après l’assassinat de George Floyd (le 25 mai 2020) par la police. Il affirme que les manifestant·e·s ne sont pas des contestataires mais des «anarchistes qui haïssent l’Amérique».

«Je vais faire quelque chose – je peux vous l’assurer», a déclaré Trump aux journalistes. «Parce que nous n’allons pas laisser New York et Chicago et Detroit et Baltimore et tout ça – Oakland est un désastre. Nous n’allons pas laisser cela se produire dans notre pays. Tous [toutes ces villes] sont dirigés par des démocrates libéraux.»

Il a ajouté: «Toutes sont dirigées, en fait, par des démocrates très libéraux. Toutes sont dirigées, en fait, par la gauche radicale.»

A Portland, il y a eu des scènes enregistrées par vidéo d’agents frappant des gens avec des matraques, tirant de grandes quantités de grenades à gaz lacrymogène ainsi que des projectiles moins dangereux.

Un manifestant, qui tenait un haut-parleur pour diffuser un discours, a été frappé à la tête par un de ces projectiles. Son crâne a été fracturé, nécessitant une intervention chirurgicale.

Un vétéran de la Marine est venu aux manifestations à cause de ce que faisaient ces agents fédéraux. Il a mis son sweatshirt et son béret de la marine pour s’identifier comme ancien militaire, pensant que les agents ne l’attaqueraient pas. Il voulait les engager dans un dialogue, mais il a reçu une pluie de coups de matraque et de spray au poivre. Une de ses mains a été fracturée.

Des agents dans des fourgons banalisés ont enlevé des gens dans la rue. Ces derniers ne savaient pas s’ils étaient kidnappés par des gangs de droite, qui souvent se déguisent. Pour mémoire, Portland a accueilli des groupes racistes comme les Proud Boys. En 2017, peu après l’entrée en fonction de Trump, un de ces partisans de la «Alt-Right» a tenté de tuer deux adolescents noirs dans les transports publics, mais il a été arrêté par des passants blancs. Puis ce suprémaciste blanc a retourné son couteau contre eux, tuant deux personnes.

Après que les manifestants furent enlevés par les agents, ils ont été emmenés dans un tribunal fédéral, interrogés et libérés au bout de quelques heures, sans explication ni accusation. C’était juste pour les terrifier et les intimider.

Les protestations s’étaient en grande partie éteintes, comme dans d’autres villes, avant l’arrivée des Fédéraux. Depuis lors, elles ont repris de l’ampleur. Le week-end dernier, un groupe de mères de manifestant·e·s a formé ce qu’elles ont appelé un «Mur des Mamans» pour les protéger des voyous en treillis.

L’une des «Mamans» a été interviewée. Elle a déclaré: «Leurs actions sont terrifiantes», en référence aux Fédéraux. «Je veux dire que nous, en tant que partisans de la démocratie, nous devons tenir tête. J’ai 60 ans. Je ne devrais probablement pas être ici avec ce public [à cause du virus]. Mais c’est au-delà de l’acceptable.»

Les élus démocrates, du gouverneur de l’Oregon au maire de Portland, ont exigé la révocation des agents fédéraux, en vain. Il est à noter que le mouvement a protesté contre ces mêmes fonctionnaires et la police avant l’arrivée des agents fédéraux.

Lilith Sinclair, une organisatrice afro-indigène, s’est exprimée le 21 juillet sur le site TV en ligne de Democracy Now. Voici une partie de ses propos, légèrement modifiés:

«Il est difficile d’englober toute la profondeur de ce que nous avons vécu dans les rues de Portland. Ce mouvement a commencé avec une mère célibataire noire qui est descendue dans la rue et a mené l’appel à l’occupation du palais de justice fédéral pour réclamer le changement. Ce mouvement s’est transformé en un mouvement, fort de milliers de personnes, qui a uni un grand nombre de nos concitoyens ici.

«Ce que nous avons vu est une escalade répressive continue contre nos manifestants. Mais ce qu’il est important de comprendre, c’est que nous nous sommes affrontés à de graves brutalités policières de la part de nos forces de police locales, pendant des années.

«Ce que nous avons vécu a commencé avec “nos” forces de police locales qui ont mené non seulement des tactiques d’intimidation, mais aussi des brutalités violentes contre nos manifestants. Nous avons des officiers qui utilisent des grenades flash bang de manière répétée. [Ces grenades étourdissent et désorientent les gens, avec un bruit fort et un flash lumineux. Ils ont coupé des mains et des doigts, provoqué des crises cardiaques, et parfois tué.]

«Déployant également du gaz CS et d’autres munitions – gaz lacrymogène, balles de gaz poivré et autres. Il s’agit d’une action sur le long terme avec une force de police militarisée. L’intervention des agents fédéraux l’a intensifiée.

«Nous assistons à des disparitions. Ces véhicules banalisés qui circulent dans les rues sont remplis d’hommes en uniforme, sans badge, sans papiers d’identité. Ils refusent même de répondre à la question “Etes-vous ou non des forces de l’ordre?”. Et les habitants de Portland sont non seulement inquiets pour leur sécurité, mais ils estiment que notre combat est justifié.

«Cela se produit pendant une pandémie sanitaire mondiale et une poussée à la fin du confinement non seulement par les républicains mais aussi les démocrates. Dans l’Oregon, la réouverture a eu lieu, puis les gens ont constaté, maintenant, des semaines plus tard, une hausse des taux d’infection; et ils sont à nouveau licenciés de leur emploi, à nouveau recalés par le système de chômage.

«Les gens ont besoin de temps pour comprendre les échecs de ce système capitaliste, suprémaciste blanc. Ils ne disposent de rien d’autre que du temps devant eux. Le mouvement s’amplifie donc. Nous avons vu les mères sortir. La nuit dernière, c’était le “barrage des pères”, beaucoup de gens étonnants, qui sont venus en ville après avoir vu des gens se faire brutaliser chaque soir.

«Nous passons nos nuits dans la terreur. Nous ne pouvons pas dormir à l’autre bout de la ville à cause des flash bangs, et des gaz lacrymogènes dans toute la ville. Cela affecte notre communauté de sans-logis, cela affecte nos quartiers.

«Les autorités locales et de l’État n’ont pas réagi, sauf par des paroles bien intentionnées [demandant le retrait des agents fédéraux], ce qui provoque un sentiment légitime de frustration et de colère et fait augmenter les protestations.»

Dans les prochains jours, si Trump met à exécution ses menaces d’envoyer plus d’agents fédéraux dans plus de villes, nous verrons quelle sera la réaction.

Traduction rédaction A l’Encontre