Publié le Mercredi 4 décembre 2019 à 11h37.

Mali : la Françafrique, encore et toujours

La mort de 13 soldats français au Mali, le 25 novembre dernier, a rappelé à celles et ceux qui l’auraient oublié que, même si les autorités communiquent peu à ce propos, l’armée française est toujours présente dans plusieurs pays africains, au nom de la « lutte antiterroriste ». L’occasion de revenir sur cette présence militaire qui, malgré les prétentions affichées, s’inscrit dans la longue tradition de la Françafrique.

« Il y a 4 ans presque jour pour jour, les forces maliennes, françaises, africaines étaient engagées pour reconquérir le Nord du Mali, et la ville de Bamako était sous la menace d’une offensive terroriste de grande ampleur. […] Aujourd’hui alors que nous sommes réunis, nous devons prendre la dimension de ce qui a été engagé ici en 4 ans. Les terroristes ne contrôlent plus aucun territoire, la démocratie a repris son cours, les élections ont eu lieu : présidentielles, législatives. Ibrahim Boubacar Keita est l’élu du peuple malien, l’économie repart et la réconciliation, avec les accords d’Alger, est en cours. » Ainsi s’exprimait François Hollande le 14 janvier 2017 lors d’une visite au Mali. Près de trois ans plus tard, la question se pose : si la situation était si bonne, pourquoi les forces françaises sont-elles restées au Mali ? 

Le prétexte antiterroriste

Lorsque Hollande décide, en janvier 2013, d’intervenir militairement au Mali, les motifs invoqués semblent particulièrement nobles : il s’agit d’aider, à sa demande, un pays ami, confronté au « terrorisme islamiste ». 4 000 soldats sont déployés dans le cadre de « l’opération Serval », et une base militaire est établie à Tessalit. Mais rapidement l’opération, qui devait être limitée dans le temps et dans l’espace, s’étend, et se transforme en « opération Barkhane », qui concerne désormais le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. L’action militaire de la France n’a en effet nullement réussi à démanteler les réseaux djihadistes qui sévissent dans le nord du Mali, et les a éparpillés dans les pays voisins, c’est-à-dire dans une très grande partie du Sahel. 

Or, on ne peut manquer de remarquer que « le Sahel abrite de grandes réserves pétrolières ainsi que des gisements d’uranium et d’or, mais aussi de gaz, de coltan, de cuivre, de grenats, de manganèse et de lithium, de minerais magnétiques et de "terres rares" (17 éléments chimiques indispensables dans de nombreuses nouvelles technologies comme les LED ou les éoliennes). »1 Sous couvert d’intervention anti­terroriste et donc de « bien-être des populations », Serval et Barkhane s’inscrivent en réalité dans la tradition de la Françafrique : venir en soutien à des régimes « amis », quand bien même ces derniers sont corrompus, autocratiques, mènent des politiques antisociales et s’accommodent fort bien des groupes « terroristes » lorsque ces derniers peuvent jouer un rôle de supplétif d’un appareil d’État défaillant, le tout pour maintenir ou étendre des zones d’influence économique.  

Les troupes françaises n’ont rien à faire au Mali

L’antiterrorisme et les postures martiales ne sont donc qu’un prétexte. Comme le relevait le chercheur Yvan Guichaoua en 2017, « le jihad ne prospère pas au hasard, contrairement au portrait paresseux qu’en fait François Hollande. Il émerge dans des espaces où aucune forme de gouvernement légitime ne prévaut. Or ces espaces abondent au Mali, dont les autorités ont fait de l’instrumentalisation des milices un mode privilégié de gouvernance du nord du pays depuis de nombreuses années. »2 On comprend dès lors pourquoi, depuis plusieurs années, les manifestations contre la présence française se développent au Mali et dans les pays frontaliers3.

Ainsi, s’il ne s’agit pas de minimiser la menace que représentent certains groupes djihadistes au Sahel, il est indispensable de combattre les mensonges des autorités françaises : la présence française n’apporte pas plus de « stabilité », de « paix » ou de « démocratie », c’est même exactement l’inverse. Alors que certains demandent un débat au Parlement sur le sens de cette présence militaire, il faut le répéter : les troupes françaises n’ont rien à faire au Mali et dans les pays alentours, où elles ne font qu’apporter davantage de misère et de guerres, pour le seul intérêt de la diplomatie et des multinationales françaises. 

CB

  • 1. Mathieu Rigouste, « Que fait l’armée française au Sahel ? », Orient XXI, 13 octobre 2017.
  • 2. Célian Macé, « Au Mali, jusqu’où Macron suivra-t-il François Hollande ? », liberation.fr, 11 mai 2017.
  • 3. Lire par exemple Rémi Carayol, « Au Sahel, la flambée des sentiments antifrançais », Orient XXI, 14 novembre 2019.