Publié le Jeudi 17 mars 2022 à 13h00.

Palestine : une lettre de Salah Hamouri avant sa nouvelle incarcération

L’État d’Israël a une nouvelle fois incarcéré notre camarade Salah Hamouri. Arrêté le 7 mars à son domicile, il a été ensuite condamné à une peine de détention administrative de quatre mois – ramenée quelques jours plus tard à trois mois. Le NPA et son candidat Philippe Poutou exigent la libération de Salah, et s’associeront à toutes les initiatives allant en ce sens. Nous reprenons à cette occasion des extraits d’un texte qu’il a publié récemment sur jacobinmag.org.

Le fait de grandir à Jérusalem au milieu d’une extrême injustice m’a poussé à protester, à trouver un moyen de résister. Enfant, j’ai été témoin de démolitions de maisons et d’arrestations, et j’ai vu quotidiennement les familles harcelées par les soldats israéliens au checkpoint israélien voisin. Dès mon plus jeune âge, j’ai su que je ne pouvais pas rester sans rien faire, et je me suis lancée dans l’activisme politique. À seize ans, j’ai reçu une balle dans la jambe et j’ai été arrêté pendant cinq mois simplement pour avoir distribué des tracts et avoir été membre d’un syndicat étudiant. J’ai été à nouveau arrêté en 2004 et détenu pendant cinq mois en vertu de la « détention administrative », une vieille loi britannique qui permet l’arrestation prolongée sans procès.

Ne pas se soumettre au nettoyage ethnique

J’ai été de nouveau arrêté en 2005, accusé d’avoir tenté d’assassiner un politicien israélien d’extrême droite, ce que la police israélienne n’a pas pu prouver ; aucune arme, aucun plan, aucune preuve matérielle n’ont jamais été présentés, seulement le témoignage d’autres personnes obtenu sous la torture de la police israélienne. Sachant que je serais probablement condamné quel que soit le bien-fondé de l’affaire, j’ai négocié un plaidoyer pour sept ans. À l’époque, on m’a proposé l’alternative d’un exil de quinze ans en France, mais connaissant les intentions d’Israël de m’expulser, j’ai refusé.

Tout ce que le régime d’apartheid israélien a fait vise à me faire taire et à m’encourager à abandonner et à quitter le pays, comme ils le font avec tout Palestinien qui refuse de baisser la tête et de se soumettre au nettoyage ethnique. Les autorités israéliennes élaborent un plan de harcèlement sur mesure pour chaque personne politiquement active, en l’arrêtant et en la harcelant, et lorsque cela ne fonctionne pas, en lui retirant sa carte d’identité ou son assurance maladie et en ciblant sa famille et ses entreprises. Ils ciblent ceux qui s’expriment afin d’affaiblir notre résistance collective et de nous expulser plus facilement.

Ce n’est pas ce que je veux pour mes enfants

Ma propre histoire démontre que le régime israélien est absolument impitoyable, qu’il agit avec une cruauté calculée qui ne connaît aucune limite. La séparation forcée de notre famille est destinée à infliger des souffrances, à priver mes enfants d’un père et des expériences et joies de grandir dans leur patrie avec l’amour de ma famille élargie. Les interactions avec mes enfants se limitent à des moments volés par appel vidéo, à des tentatives de créer et de maintenir un lien malgré la distance.

Ce n’est pas ce que je veux pour mes enfants. Mais il vaut mieux qu’ils sachent que je me suis battu pour la justice plutôt que d’accepter passivement le nettoyage ethnique, il vaut mieux que je fasse tout ce que je peux pour rester fermement ancré sur notre terre plutôt que d’acquiescer au harcèlement d’Israël. Je poursuis mon combat parce que je veux que tous les Palestiniens vivent dans la liberté et la dignité, et je sais que cela ne se fera pas sans combat, sans sacrifice de la part de ceux qui sont prêts à prendre position.

L’année dernière, les Palestiniens se sont levés par milliers pour défendre Jérusalem, déclenchant un soulèvement qui s’est étendu à toutes les communautés palestiniennes pour rejeter la colonisation israélienne. Une nouvelle génération a réitéré son engagement à poursuivre la lutte pour la justice, pour la libération et pour les droits des réfugiés palestiniens vivant depuis des décennies en exil. Comme notre peuple n’a pas abandonné, je ne peux pas non plus, et les millions de personnes dans le monde qui soutiennent la Palestine, et dont l’engagement à notre cause est plus important maintenant que jamais, ne peuvent pas non plus abandonner.