Publié le Mardi 10 avril 2018 à 09h32.

Syrie : Un cauchemar sans fin

Même si moins présent dans les médias, le cauchemar se poursuit en Syrie, tandis que les grandes puissances internationales et régionales décident du futur du pays.

Les forces du régime de Bachar el-Assad avaient reconquis 95% des zones dans la Ghouta orientale après d'une offensive meurtrière lancée le 18 février qui a tué plus de 1 600 civils à l'heure ou nous écrivions.

Douma, des crimes continusPlus de 46 000 personnes, dont un quart de combattants, ont aussi été forcées de quitter la Ghouta orientale pour rejoindre par bus Idlib, dans le nord-ouest du pays. Accablés par cinq semaines de déluge de feu et diminués par un siège de cinq ans, les groupes fondamentalistes qui tenaient la Ghouta orientale ont conclu l'un après l'autre des accords par l'intermédiaire de la Russie, les forçant à quitter ces territoires et permettant aux civils d'en faire de même. Seul le plus puissant des groupes salafistes dans cette région, Jaysh al-Islam, qui dispose d'environ 10 000 combattants et tenait encore la principale ville du secteur - Douma - n'avait pas encore conclu un accord définitif avec le régime. Ce dernier a donc repris le 7 avril ses raids aériens sur la ville de Douma, tuant selon les premières estimations plus d'une centaine de civilEs en 24 heures, avec notamment de forts soupçons, à nouveau, d'un recours au gaz de chlore toxique et au sarin. Le régime a finalement, semble-t-il, obtenu ce qu'il voulait : un accord pour déplacer des milliers des soldats de Jaysh al-Islam et leurs famille vers la ville de Jarablus dans le nord du pays a été conclu dimanche, prévoyant le déploiement de la police militaire russe dans la ville.

Les États-Unis : départ ou pas de la Syrie ?Donald Trump a réitéré sa volonté de quitter la Syrie, malgré les réticences de ses plus proches conseillers. La Maison-Blanche a ensuite tempéré les déclarations de Trump en précisant que la " mission militaire " visant à éradiquer le groupe djihadiste de l'État islamique (EI) en Syrie touchait à sa fin, tout en laissant entrevoir qu'un retrait n'était pas pour tout de suite. D'ailleurs aucun agenda de départ n'a été mis en place. Les troupes US, environ 2000 soldats, dont des troupes spéciales, sont présents dans le Nord-Est de la Syrie où ils collaborent avec les forces kurdes du YPG et les Forces démocratiques syriennes, notamment dans la lutte contre l'EI. Ces régions sont également riches en ressources naturelles (pétrole et agriculture).Israël et l'Arabie saoudite sont de leur côté attachés au maintien de la présence US en Syrie pour contrer l'influence de l'Iran.

Russie, Iran et Turquie : partage du gâteau mais avec des divisionsUn retrait US est encouragé par les principales puissances intervenant en Syrie : Russie, Iran et Turquie. Malgré des désaccords sur certains dossiers (notamment l'avenir d'Afrin et des territoires conquis par la Turquie en Syrie, ainsi que le sort d'Idlib), les trois protagonistes préféreraient que le dossier syrien reste exclusivement entre leurs mains. Moscou et Téhéran profiteraient de ce départ pour accroître leur influence en Syrie. De son côté Ankara, après avoir conquis Afrin avec le soutien de groupes d'opposition syriens à sa solde, en majorité des groupes réactionnaires islamiques, a fait de Manbij son prochain objectif. Erdogan a répété à plusieurs reprises sa volonté de conduire des opérations militaires contre les Kurdes du PYD et de sa branche armée les YPG, le long de la frontière syrienne et même jusqu'en Irak. Un départ possible des troupes US stationnées au côté des YPG dans le Nord permettrait à Ankara d'éviter une escalade diplomatique et militaire, et d'avoir le champ libre afin de reconquérir la zone.Les présidents russe, iranien et turc se sont réunis la semaine passée lors d'un sommet à Ankara, et se sont engagés à coopérer en vue de parvenir à un " cessez-le-feu durable " et maintenir la " souveraineté " de la Syrie. Les crimes du régime Assad se poursuivent dans le silence et avec la complicité des puissances internationales et régionales qui, elles, se partagent les zones d'influence du pays…

Joseph Daher