Publié le Jeudi 7 janvier 2021 à 22h10.

USA : soulèvement réactionnaire contre le parlement

Le drame des élections présidentielles étatsuniennes tenues le 3 novembre, a continué le 6 janvier avec l’entrée forcée et violente dans les bâtiments du parlement par des foules pro-Trump. Quelques centaines des manifestants/es pro-Trump ont occupé les couloirs et les bureaux des élus pendant quelques heures. Certains brandissaient des armes et des drapeaux étatsuniens et confédérés (drapeau des sudistes, pro-esclavage dans la guerre civile de 1861-1865). Il y a eu quatre morts liés àl’affaire. Les députéEs et sénateurs/sénatrices ont été rapidement évacuées. Un couvre-feu a été annoncé pour le soir. Les gouverneurs des États voisins, le Maryland et la Virginie, ont envoyés leurs gardes nationales. Les émeutierEs ont été éxpulséEs avant que les contremanifestations puissent être organisées. Alors que beaucoup d’entre eux et elles étaient membres des groupuscules d’extrême droite comme les Proud Boys, aucun groupe ne semblait diriger les opérations. Les médias ont qualifiéles émeutierEs d’« insurectionistes ».

Coup de théâtre violent

Les incidents se sont passés à la suite d’une manifestation à Washington D.C. où Trump a pris la parole pour attaquer son propre vice-président et des élus de son propre parti pour n’avoir pas pris des mesures (d’ailleurs impossibles) pour empêcher la confirmation des résultats des élections du 3 novembre. L’invasion du parlement s’est déroulée au moment où le parlement s’est réuni après les vacances de fin d’année pour confirmer les résultats du collège électoral sur les élections du 3 novembre qui ont été emportées par le démocrate centriste et ancien sénateur et vice-président sous Obama, Joe Biden. En même temps, la victoire de deux démocrates dans des élections spéciales dans l’État de la Georgie, tenues le 5 janvier, donnait une maigre majorité aux démocrates au Sénat (les démocrates sont également majoritaires dans la chambre des députés). Biden a distanciéTrump par sept millions de voix et 306 voix électorales au 232 dans les collèges électoraux.

Normalement, la confirmation des résultats par les deux chambres – étape finale dans l’échiquier politique présidentiel – se déroule sans incident ou drame. Mais depuis des semaines, Trump, qui n’accepte pas sa défaite et répète sans fin dans ses déclarations sur Twitter – sans preuve – que les démocrates ont volé l’élection avec une fraude massive et que lui, Trump avait gagné avec une marge énorme, a mis en cause la légitimité des élections aux yeux du noyau dur de ses supporters et, selon les sondages, une bonne partie de l’électorat républicain. Ses avocatEs ont mené une soixantaine de procédures demandant que les résultats de certaines États clés soient invalidées et que Trump soit proclamé président ! Chacun de ces procès, dont aucun n’était basé sur une once d’évidence, ont échoué. Parmi les juges qui ont rejeté les procès de Trump, beaucoup ont été nomméspar Trump lui-même. De nombreux acolytes de Trump au parlement ont participé à sa campagne de désinformation basée sur des mensonges dans un style cauchemardesque inspiré par George Orwell dans son roman 1984 et ou encore par les méthodes d’Hitler et Goebbels, soit par conviction, soit par peur d’être à leur tour cibléEs par Trump.

Cent-quarante députés et quelques sénateurs/trices ont signalé leur intention de voter contre la confirmation de Biden. Pas assez pour l’empêcher, mais c’est extraordinaire quand même. Mais après l’émeute au parlement, une bonne partie d’entre eux et elles, dont Kelly Loeffler, sénatrice ultra conservatrice de la Georgie qui avait perdu son siège au bénéfice d’un démocrate un jour avant, ont abandonné leur intention de voter contre la confirmation. En effet, aucune éluE républicainE n’a cautionné les actes de Trump et ses émeutiers, et beaucoup ont demandé à Trump de faire une déclaration condamnant l’émeute. Trump a finalement déclaré qu’il passera le bâton à Biden sans pourtant reconnaître qu’il a perdu l’élection. Le lendemain, le 7 janvier, des voix des deux partis condamnaient les émeutes, des ministres ont démissionné, dont le ministre de transport. Des élus, y compris des sénateurs républicains, ont appelé à ce que Trump soit démuni de ses pouvoirs pour son rôle dans l’affaire.

Une extrême droite se construit lentement

L’extrême droite est toujours marginale aux États-Unis. Il n’y a pas de comparaison avec les organisations fascistes et fascisants en Europe dans les années 1930s et ils restent pour l’instant marginaux. Mais la capacité de quelques centaines des manifestants à entrer facilement dans les couloirs du pouvoir, face à une faible résistance des forces d’ordre qui ont effectué relativement peu d’arrestations (une cinquantaine) posent des questions : pourquoi il y avait si peu de policiers gardant les lieux ? On a du mal à imaginer une telle douceur de traitement pour les manifestants de gauche ou des personnes de couleur.

Parmi, les leçons du 6 janvier, on peut voir qu’il y a une extrême droite encouragée par Trump qui est petite mais audacieuse et prête à avoir recours à la violence. Les semaines de désinformation par Trump, répetées par des tas des éluEs républicainEs, ont endommagé la légitimité du système aux yeux d’une bonne partie de l’électorat. Mais en même temps, le système républicain reste en place même s’il subit une pression forte. Aucun secteur du capital ou de l’appareil d’État n’a soutenu Trump dans ces tentatives de balayer le système électorale et juridique. Plus d’une centaine des PDGs ont signé un document contre la mise en cause des résultats du 3 novembre et les militaires ont fermement rejetés la possibilité d’intervenir. Trump a fait face au fait que le contrôle du gouvernement ne donne pas contrôle absolue sur les leviers de l’État.