Publié le Mercredi 31 août 2011 à 21h40.

Avec la candidature de Philippe Poutou, le NPA tente de sortir de sa crise interne (Le Monde du 31 août)

Port-Leucate (Aude) Envoyé spécial - Le "camarade candidat Philippe Poutou" a tenu son premier meeting à Port-Leucate (Aude), lundi 29 août, en présence de quelque 900 personnes, dans le cadre de l'université d'été du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA). Désigné en juin, il a la lourde tâche de succéder à celui qui était devenu la figure emblématique du NPA, Olivier Besancenot.

Il n'en a ni l'expérience, ni l'aisance. Là où "Olivier" jouait de sa gouaille, de son sens de la repartie et de la formule, M. Poutou s'est appliqué à lire un discours reprenant les thèmes et les revendications de son parti. "Je vais au moins prouver que je sais lire", a-t-il plaisanté, pour se rassurer au moins autant que pour devancer les critiques et le scepticisme qui guettent la présence de cet ouvrier inconnu dans la campagne présidentielle.

Ouvrier métallurgiste à l'usine Ford de Blanquefort (Gironde), ce syndicaliste CGT de 44 ans se bat depuis près de quatre ans, avec ses collègues, pour empêcher la fermeture du site, qui emploie encore un millier de salariés. Le jour de mai où M. Besancenot a rendu publique sa décision de ne pas être une troisième fois candidat à l'élection présidentielle, France 3 Aquitaine tournait un reportage sur les "Ford". L'équipe de télévision demande sa réaction à Philippe Poutou, connu pour son appartenance au NPA. "Tu n'as qu'à le remplacer !", lui lance, devant la caméra, un de ses camarades de la CGT, sur le ton de la plaisanterie.

Ce qui n'était qu'une boutade va prendre corps. Au niveau des militants bordelais du NPA, tout d'abord, qui trouvent que ce serait une excellente chose qu'un candidat venant du monde ouvrier fasse entendre la "voix des travailleurs" dans la campagne. "Au départ, je n'étais pas du tout dans ce truc", précise M. Poutou, convaincu que "d'autres copains auraient très bien pu faire ce que je fais". "Mais c'est vrai qu'il n'y en avait pas des tonnes", admet-il.

La voix de "l'indignation"

Le retrait de M. Besancenot a précipité la crise interne au NPA, créé en 2008 dans l'enthousiasme d'une campagne présidentielle qui avait vu affluer à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), dont il était le candidat, de nouvelles forces militantes.

Les uns veulent lui trouver un successeur pour porter les couleurs de la toute nouvelle organisation. Les autres, tirant le bilan des revers subis par le NPA aux élections européennes de 2009 et régionales de 2010 - dans lesquelles le Front de gauche, à l'inverse, a tiré son épingle du jeu -, souhaitent s'engager plus activement dans le processus de recomposition à la gauche du PS. Les premiers l'emportent, mais les divergences se creusent. Impossible de se mettre d'accord sur un nom pour prendre le relais d'Olivier Besancenot. La proposition de la direction bordelaise du NPA va offrir une planche de salut.

Philippe Poutou n'a jamais été membre de la direction du NPA ni d'aucune des organisations auxquelles il a appartenu. Avant de rejoindre la LCR, il a en effet milité à Lutte ouvrière (LO), la formation trotskiste longtemps personnifiée par Arlette Laguiller. Muni d'une simple qualification en mécanique générale - "même le concours de La Poste, je l'ai loupé", confesse-t-il -, il enchaîne les missions en intérim. C'est ainsi qu'il entre chez Ford, où il est embauché, en 1999, après trois années de statut précaire. Entre-temps, la plupart des militants bordelais de LO se sont rapprochés de la LCR.

Voilà donc le nouveau visage que le NPA va mettre en avant pour se faire entendre dans la campagne présidentielle. Avec Philippe Poutou, "on renoue, sans l'avoir prémédité, avec l'idée d'un salarié qui n'est pas un politicien professionnel", se félicite M. Besancenot. Visiblement soulagé de ne plus porter les habits du candidat, il se veut satisfait et confiant. "On aura un candidat qui sait de quoi il parle quand il parle des victimes de la crise", affirme-t-il. "Il faut qu'il reste comme il est, ça va brancher, assure, de son côté, Alain Krivine, le dirigeant historique de la LCR, retraité actif. Je ne le connaissais pas plus que ça, mais j'ai tout de suite été pour."

Parmi ceux qui redoutaient une candidature "isolationniste" du NPA, au contraire, ce choix a renforcé les craintes d'une tentation ouvriériste. "Je ne suis pas un candidat ouvrier, mais un ouvrier candidat. Nous allons faire entrer l'indignation dans cette campagne", répond M. Poutou.

Patrick Roger