Publié le Vendredi 20 janvier 2012 à 22h02.

En campagne, Poutou continue à pointer chez Ford (La République des Pyrénées)

« Les Girondins ne sont pas si mal, ils remontent au classement ». Philippe Poutou se détend cinq minutes devant un café avec ses deux camarades du NPA qui l'ont accompagné de Bordeaux à Pau hier après-midi. Look très décontracté, grand et sec, une « belle gueule » malgré un cheveu blanc et dégarni, l'homme dégage un certain charisme. « Les mauvais sondages ? Pour le moment ce qui importe, ce sont les 500 signatures (348 mercredi soir, ndlr). Après, la campagne démarrera vraiment », assure le successeur d'Olivier Besancenot comme candidat à la présidentielle.

Désigné grâce à son combat de quatre ans à Blanquefort pour éviter la fermeture de l'usine Ford, ce militant de toujours, bon orateur, calme et disponible avec constance, est face à un rude défi. « Arriver après Olivier c'est stressant mais heureusement ça s'est passé très vite et je n'ai pas eu le temps de gamberger. De toute façon, la campagne c'est collectif ».

« Rien n'a changé, il reste le même », assurent ses deux compagnons du jour, Christophe et François. « On n'a pas d'argent, tout est collectif par définition, on se relaie pour l'accompagner. Sauf pour l'avion. Là, il y va seul car c'est trop cher ».

L'homme en campagne reste le mécano à 1 800 euros par mois. Il va au charbon à 6 h du matin, débauche à 14h et part en campagne. « J'ai aménagé un peu : trois jours de travail, deux jours de dispo et le parti me paye la différence ». Un rythme rude mais qu'il ne saurait remettre en cause. Car au contraire des « professionnels de la politique », lui est candidat par militantisme. « Sauf à en rêver, on ne peut pas être candidat tout le temps, je suis militant c'est pourquoi je continue à travailler. Et c'est un des meilleurs moments quand je retrouve les copains. Ils commentent mes sorties. Ils sont contents et fiers car c'est l'un des leurs qui parle », assure-t-il.

Il essaie aussi de ménager une vie familiale avec sa compagne et deux enfants de 6 et 9 ans. « Ils ont besoin d'être cadrés mais ils profitent de la campagne », soupire le candidat.

Le baptême du feu n'est pas toujours facile. Il évoque sa première télé. C'était chez Ruquier. « Je ne faisais pas le malin, j'ai essayé de limiter la casse », résume-t-il humblement. « Je me demande comment il a pu garder son calme tellement certains étaient condescendants et puants », souligne Christophe.

16 h 30, Philippe Poutou répond aux journalistes palois. Dès 17h, on descend à la voiture. A cinq dans la caisse, direction Tarbes pour un autre point presse et une réunion publique. « Je ne parlerai pas longtemps, l'important c'est le débat », annonce-t-il aux soixante sympathisants présents à la Bourse du travail. 17 h 30. Début de la réunion. « J'ai la voix un peu fatiguée, je suis dans l'amateurisme jusqu'au bout », s'excuse-t-il en souriant.

Il intervient peu lors du débat. « J'attends poliment mon tour », justifie-t-il. Ce qui ne l'a pas empêché préalablement d'avoir un discours fort et limpide sur comment en finir avec le capitalisme. « Il est à l'aise car il a l'habitude de la prise de parole depuis les AG lycéennes », glisse François.

Juste le temps de manger un bout de galette avec les militants et il faut reprendre la route. Le NPA local a préparé pain, cake, fromage et saucisson pour le dîner. On partage le casse-croûte tout en roulant vers Pau. On débriefe en même temps : « Je n'ai pas été trop long ? Je n'ai rien oublié ? »

Regard vers le paysage nocturne : « Le Béarn, je connais. Poutou est un nom originaire de la région de Lembeye. Mes grands-parents étaient de Morlaàs et ce sont eux qui ont migré vers Bordeaux », se souvient-il.

À peine le temps d'épousseter les miettes que nous voila de nouveau à Pau. 20 h 30, arrivée devant le complexe de la République pour une nouvelle réunion publique. Près de 80 personnes dont pas mal de jeunes sont là pour l'écouter. Plus tard, bien las, il reprendra la route de Bordeaux où il arrivera vers 1 heure. « C'est fatigant, je comprends pourquoi Sarkozy tarde à se déclarer. Mieux vaut faire une campagne courte », ironise-t-il.

Sans le sou mais avec ferveur, le marathon se poursuivra ainsi. « Il écrit ses discours seul », assure François. « On discute après mais on est d'accord sur les axes, il n'y a pas de surprise comme avec Hollande ! Après c'est lui qui met en musique », explique-t-il sur la méthode d'une campagne qui se fait sans équipe de com, staff de campagne, coaches en tous genres... «Son moteur à Philippe, c'est l'humain et l'engagement » conclut son camarade de lutte.

Laurent Vissuzaine

===> Les principaux axes de son programme

Entre l'échec des manifs contre la réforme des retraites et la crise, les gens n'ont pas le moral. « La campagne va nous servir à relancer la lutte », assure Philippe Poutou, dont les principales lignes du programme sont nettes : « La dette justifie la rigueur, il faut l'annuler. Il faut faire un audit pour savoir d'où vient la dette et à qui elle profite. On récupère 48 milliards rien qu'en arrêtant de payer les intérêts de la dette. Avec cet argent et celui récupéré des cadeaux fiscaux depuis dix ans (70 à 150 milliards selon lui), en imposant les sociétés et les riches, on peut financer le boucler social, autre grand axe de la campagne : le SMIC à 1 600 euros net et 300 euros de plus pour tous ». Arrêter de supprimer les emplois des services publics, passer aux 32 heures pour partager le travail sont d'autres mesures préconisées.

Enfin le volet écologique est également important avec, entre autres, une volonté de sortir du nucléaire d'ici dix ans.