Publié le Samedi 11 février 2012 à 11h29.

Le NPA en quête de signatures (Inrock)

Reportage au coeur de l’Oise, auprès de militants en quête de promesses de signatures pour le candidat du parti d’extrême gauche à la présidentielle.

Samedi 4 février, le département de l’Oise est engourdi par le froid. Nicolas et Mathilde, 27 ans, ont quitté le XXe arrondissement de Paris un peu avant 8 heures à bord d’une Polo fatiguée. Originaires du Tarn, le militant et la sympathisante du Nouveau Parti anticapitaliste sont en quête de parrainages pour Philippe Poutou.

Depuis septembre, Nicolas est sur les routes « environ deux samedis sur trois ». Toujours accompagné d’un ou d’une « camarade », il a ramené trois des quatre cents promesses déjà récoltées par le NPA, ce qui augure bien de l’avenir. Généralement, l’accueil des maires est poli. Parfois les portes claquent, les insultes fusent et les chiens sont agressifs. « On comprend mieux les postiers. » Normal.

Cette partie de l’Oise est cossue, pas comme ses voisines du Val-d’Oise, Sarcelles ou Villiers-le-Bel. Il faut traverser Ecouen, mais l’appli GPS de l’iPhone n’indique que des rues en sens interdit. La discussion roule sur les parrainages de la candidate du FN. Pour Nicolas, la cause est entendue : le parti d’extrême droite veut se poser en victime et use d’un « subterfuge » quand il affirme ne pas pouvoir réunir les signatures. Plus généralement, le militant du NPA dénonce la promotion du « produire français » par les politiques, « la banalisation d’un discours qui n’est pas fondé sur les rapports sociaux mais sur la concurrence entre les nations. » Même si « Marine Le Pen a fait rater la bifurcation », ils finissent par trouver la route de Lamorlaye.

Permanence du maire, Didier Garnier… qui n’est pas là. Les secrétaires de l’accueil ne savent pas s’il viendra. Nicolas et Mathilde font remplir l’attestation qui prouve leur passage, « pour les frais de campagne ». Questionné sur la possibilité d’un parrainage, le directeur de cabinet de l’élu est dubitatif : « Je crois que le maire a milité avec Eric Woerth, alors… » L’hippodrome de Compiègne, que l’ancien ministre du Budget est soupçonné d’avoir bradé, n’est qu’à 60 kilomètres.

Haras, Jaguar, Audi, belles propriétés. A Coye-la-Forêt, toutes les maisons sont en pierre de taille. Reçus par le maire adjoint – « Vous faites une démarche qui n’est pas facile » -, les militants repartiront les mains vides.

Ils laissent un quatre-pages de présentation de Philippe Poutou et un numéro de téléphone. Ils remontent en voiture, attachent leurs ceintures – le geste qu’ils auront sans doute fait le plus souvent dans la journée -, direction Gouvieux.

« Un râteau de plus »

La Polo, dont le niveau d’essence baisse, double un facteur en mobylette. Le fameux duo de panneaux « Mairie » « Eglise » pointés dans la même direction fait office de GPS à Gouvieux et Saint-Maximin. Pas de maires en vue. A Saint-Leu-d’Esserent, « un râteau de plus. »

Avec cette dernière commune, ils arrivent dans une Oise plus populaire. Les bâtiments sont en briques rouges, les toits des usines formés d’une succession de triangles – comme sur les affiches de Mai 68. Ils entrent dans Montataire. Pas mal d’affiches de Mélenchon.

Le bâtiment municipal est orné de deux banderoles. L’une – « La santé n’est pas une marchandise » – contre la fusion des hôpitaux de Creil et Senlis, l’autre pour soutenir les salariés de Still-Saxby en lutte contre la fermeture annoncée de leur usine. Le maire Jean-Pierre Bosino accepte de recevoir les militants du NPA. « Par sympathie. » Membre du PCF, il donnera sa signature au candidat du Front de gauche, « si, si, il en a besoin ». Nicolas tient bon sur la « nécessaire indépendance vis-à-vis du PS » et le maire, après un tacle sévère aux médias, ces « chiens de garde qui ont fabriqué Olivier Besancenot », s’en sort en estimant que « de toute façon, il ne se passera rien si les gens ne descendent pas dans la rue ».

« Ce qui manque, c’est une convergence des luttes »

A défaut de parrainages, Nicolas fait le plein d’essence. Si le NPA ne recueille pas cinq cents signatures, les frais, estimés à 100 000 euros au niveau national, ne seront pas remboursés. Le militant d’extrême gauche a déjà décidé qu’il paierait ses déplacements de sa poche. Dans l’auberge où ils déjeunent, la discussion passe de l’annulation de la dette et son corollaire – « l’expropriation des banques » et la création d’un service public bancaire – à la révolution permanente selon Trotski – toujours une référence. Le café servi, Eva Joly aura, elle, droit au qualificatif de « Bayrou de gauche ».

Maintenant, les communes sont plus dispersées. Il faut traverser des sous-bois aux arbres nus qui débouchent sur des champs plantés de lignes à haute tension. « C’est bien, ce qui est arrivé aux Lejaby, mais ce qui manque aujourd’hui c’est une convergence des luttes. » Ainsi que des parrainages. A Cramoisy, direction le domicile du maire. L’affaire sera rondement menée : « Faut pas venir emmerder les gens chez eux le week-end. C’est encore pire qu’en mairie ! » La quête continue. Ils passent Béthencourt (décidément) en évoquant les dissensions internes du parti révolutionnaire, particulièrement le courant Gauche anticapitaliste. Ceux qui se reconnaissent dans cette tendance ont déjà un pied en dehors du NPA, mais n’en participent pas moins à la campagne. Au total, ce samedi, les militants auront rencontré trois des quinze maires prévus. Et pas une seule promesse.

Sur la route du retour vers Paris, ils retrouvent l’Oise bourgeoise, Chantilly et sa clinique des Jockeys. Nicolas peste contre le traitement dont a été victime Philippe Poutou sur le plateau de Ruquier, le 29 octobre. L’énerve particulièrement « la condescendance de Michel Onfray », le philosophe antifreudien, fan de Camus et pro-Montebourg. Et aussi, le « montage odieux » d’On n’est pas couché qui mettait l’accent sur les bafouillages du candidat du NPA, ses mains que, mal à l’aise, il tordait nerveusement. Mais Nicolas pense que « les gens ont été choqués par les chroniqueurs ». Son candidat, salarié et délégué syndical CGT de l’usine Ford de Blanquefort (33), n’est pas « un professionnel de la politique » : « Il s’exprime comme tout le monde. » Un candidat… « normal » ?

Christophe Mollo