Publié le Vendredi 26 août 2022 à 11h10.

A l’université d’été du NPA: «Nous ne devons pas rester sur le trottoir à regarder ce qui se passe»

Article publié par Libération

A quelques jours de la rentrée, les militants trotskistes sont réunis à Port Leucate pour réfléchir à leur rôle dans la recomposition de la gauche autour de la Nupes. Mais tous reconnaissent la nécessité d’une riposte unitaire encore plus forte contre l’extrême droite.

En cette fin du mois d’août, les touristes de passage à Port Leucate ont le choix entre lézarder sur la plage, tournoyer dans les airs à la fête foraine, se laisser glisser sur les toboggans géants du parc aquatique ou passer une tête à l’université d’été du Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Pour la 14e année consécutive, les militants trotskistes posent leurs valises dans ce village vacances de la côte méditerranéenne pour préparer la rentrée sociale et politique. Le programme est riche. Là, une conférence sur les soixante ans de l’indépendance algérienne. Ici, un débat sur l’école publique. Mais cette année, la Nupes, cette coalition de gauche mise sur pied au printemps autour de La France insoumise, est sur toutes les lèvres. Après avoir tâtonné sur l’attitude à adopter, le NPA campe sur une position d’équilibriste. Ni vraiment dedans, ni vraiment dehors. «La Nupes est loin d’être homogène, justifie Pauline Salingue, porte-parole de la campagne de Philippe Poutou et salariée au CHU de Toulouse. Certains élus sont combatifs et appartiennent vraiment à cette gauche de rupture. Et puis, il y a le Parti socialiste.»

Voilà le nœud du problème. Impossible pour la formation anticapitaliste de s’afficher main dans la main avec un PS coupable à leurs yeux d’avoir, au mieux, été un «marchand d’illusions», au pire d’avoir «trahi» les électeurs. «Le quinquennat Hollande, c’était il y a seulement cinq ans», rappelle, encore agacée, une militante, un verre de limonade à la main. Hors de question, pour autant, de devenir de simples «commentateurs». «Nous ne devons pas rester sur le trottoir à regarder ce qui se passe», assure Pauline Salingue.

«Amplifier le bloc populaire»

Pendant les quatre jours que durent les universités d’été du parti, plusieurs débats ont été imaginés pour réfléchir spécifiquement au rôle du NPA dans la recomposition qui s’opère. D’autres figures de la gauche radicale sont invitées. A commencer par la députée insoumise de Seine-Saint-Denis Aurélie Trouvé, ex-porte parole d’Attac, qui en profite pour passer là quelques jours avec ses enfants. Dans sa tête, les choses sont claires. «Il faut construire des liens» avec le NPA. «On souhaite et on considère qu’il fait partie de la gauche de rupture», indique aussi celle qui appelle à «ouvrir massivement les portes et les fenêtres» de la Nupes, dont elle préside le parlement. Si elle conçoit que la France insoumise et le NPA n’ont «pas le même rapport aux institutions par exemple», Trouvé voit «la diversité» comme une force qui permet «d’amplifier le bloc populaire».

Des propos loin de faire consensus dans les rangs de la formation fondée en 2009 sur les ruines de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). «Une partie du NPA ne veut pas faire partie du bloc dont parle Aurélie Trouvé. Nous devons continuer à maintenir une organisation révolutionnaire», vante ainsi Marie-Hélène. Un jeune homme, chapeau sur la tête, ne croit pas non plus à la promesse mélenchoniste de «changer le monde par les élections». «Ça rappelle la gauche plurielle de Jospin», grince-t-il, sceptique.

«Taper sur le même clou»

En réalité, le débat qui s’engage dans les allées du site est bien plus large. Après un tout petit 0,77 % obtenu au premier tour de l’élection présidentielle, et une incapacité à envoyer des députés maison à l’Assemblée, la question de la transformation du NPA est posée. «Nous avons besoin d’un parti beaucoup plus large. Et c’est une tâche urgente», lâche Simon, militant en région parisienne. A l’inverse, David estime «qu’on a besoin de révolutionnaires dans la période» et que le NPA est «indispensable». Il y a toutefois une idée qui fait largement consensus : la nécessité de ferrailler contre l’extrême droite. «Si on ne stoppe pas les macronistes dès aujourd’hui, nous aurons les néofascistes au pouvoir en 2027», prédit Simon, un brin pessimiste. L’idée d’une «riposte unitaire» fait son chemin. Des initiatives ont été prises ces dernières années, avec plus ou moins de succès. L’une des dernières grandes marches contre l’extrême droite, organisée partout en France en juin 2021, avait réuni quelque 150 000 personnes. Echouant à créer un véritable élan, cette initiative resta sans lendemain.

Alors, avant la rentrée, la gauche de la gauche se retrousse les manches. Plusieurs dates sont déjà noircies à l’agenda des prochaines semaines. Le 29 septembre d’abord, avec une journée de grève interprofessionnelle organisée à l’appel de la CGT et de Solidaires. Le mot d’ordre : augmentation des salaires. Puis, en octobre, Jean-Luc Mélenchon a promis une marche contre la vie chère, à laquelle devraient prendre part de nombreux acteurs politiques, dont le NPA. «Il y a un besoin de taper sur le même clou», défend Aurélie Trouvé. Un homme plus âgé voit encore plus loin. «La bataille des retraites doit être l’occasion de faire mordre la poussière à Macron.» En attendant le dîner, et alors que le soleil cogne encore, chacun retourne à ses occupations. Piscine, billard ou lecture à l’ombre d’un palmier, c’est au choix. Un petit groupe est massé sur l’herbe. Dans leurs mains, des bouquins de Gramsci, de Marx et de Rosa Luxembourg. Pour eux, elle est là, la relève.