Publié le Dimanche 27 décembre 2015 à 11h40.

On ne joue pas avec le sexisme

« On ne naît pas femme, on le devient. » La formule de Simone de Beauvoir est connue. Elle indique que nombre de qualités ou activités prétendument féminines le sont surtout du fait d’une division sexuée des tâches socialement construite, ce qui n’a donc rien de « naturel ». Par cette formule, Simone de Beauvoir  indique également que nous sommes « éduquéEs » à devenir un homme ou une femme, à développer telle ou telle appétence en lien avec notre sexe, et ce dès le plus jeune âge. En cette période de fêtes de fin d’année, les catalogues de jouets en sont un exemple frappant.

Aux garçons, les pages bleues et les jeux de bricolage, de connaissance scientifique ou encore d’extérieur. Aux filles, les pages roses et tous les jeux qui leur apprendront à prendre soin de leur apparence et à se préparer à assumer leur future double journée de travail, entre activité salariée et travail domestique gratuit à la maison : mini-aspirateurs, têtes de coiffure, poupons... Tout pour faire « comme maman ». Le message est clair : petites filles, il vous faudra séduire votre prince charmant (sous-entendu, vous ne pourrez vraiment exister qu’avec un homme) et, en plus d’être sous-payées, vous aurez la joie de prendre soin de vos futurs enfants et de votre intérieur. L’injonction n’est guère plus progressiste pour les petits garçons. De manière extrêmement caricaturale, les jeux de combat et de guerre leur sont spécialement dédiés. On se croirait à la fin du 19e siècle : préparer les garçons à défendre la nation et les filles à reproduire la force de travail et la chair à canons.

Pages différenciées dans le catalogue

C’est une véritable machine idéologique qui se déploie à travers les catalogues de jouets et qui construit l’imaginaire des enfants. Or, il n’y a pas de fatalité à distinguer par sexe la destination des jouets et jeux. Cela est en partie fonction des périodes et du contexte. Ainsi un article publié en octobre dernier dans le New York Times rapporte l’étude d’une sociologue américaine montrant qu’en 1975 seuls 2 % des jouets du catalogue Sear étaient différenciés par sexe... contre la totalité sur le site commercial de Disney en 2002. Le profond recul du mouvement féministe n’est sans doute pas déconnecté de ce constat. Pourtant, nombre de campagnes militantes sont menées chaque année partout dans le monde contre cette propagande sexiste qui se mène à travers les jouets. L’année dernière, la délégation aux Droits des femmes du Sénat s’est même emparée du sujet et a publié un rapport « sur l’importance des jouets dans la construction de l’égalité entre les filles et les garçons ». Si le constat dressé est riche d’enseignements, les recommandations sont plutôt timides visant davantage à sensibiliser sur la question qu’à imposer de nouvelles pratiques (chartes de bonnes pratiques, labelisation, etc.). Plus encore, en cette période de fêtes, elles semblent n’avoir donner que peu de suites.

Lutter contre l’idéologie dominante

Même s’il est bien difficile de résister aux demandes des enfants qui aimeraient avoir le même jouet que leurs copains ou copines, il est possible de lutter (un peu) contre le courant. Tous les petits enfants ont envie de faire comme leurs parents, ainsi une dînette fera plaisir... quel que soit le sexe. Les déguisements peuvent être dégenrés ou donner justement l’occasion de se glisser dans un autre genre… Et surtout il existe des tas de jeux non sexistes.

Si les Playmobil ont eu aussi tendance à se genrer ces dernières années, ils restent un classique relativement neutre et les brocantes en sont pleines ! Toujours dans l’idée de lutter contre l’idéologie dominante, les jeux de plateaux ne sont pas forcément des jeux de batailles et de conquêtes : il existe des jeux coopératifs qui favorisent le collectif et l’épanouissement de chacunE.Alors bons jeux à touTEs !1

  • 1. Si vous cherchez des idées, n’hésitez pas à consulter le site de l’association EnVies EnJeux http ://www.envies-enjeux.fr/[/fn]

    Abby Taro et Elsa Colonge