Publié le Dimanche 18 septembre 2022 à 13h04.

Pour une alliance féministe et trans (tribune)

Suite à la publication par le Planning Familial d’une affiche à destination des hommes trans dans le cadre de leurs grossesses, des militantes s’opposant aux droits des personnes trans au nom du féminisme signaient ce 22 août, une lettre ouverte adressée à la Première ministre, Élisabeth Borne, dans l’hebdomadaire Marianne.

Nous, féministes, refusons cette instrumentalisation des droits des femmes, luttons contre toute opposition entre féminisme et luttes trans et condamnons sans appel ces discours s’inscrivant dans une offensive réactionnaire.

L’utilisation d’arguments fallacieux

Les militant·es anti-trans dénoncent une essentialisation des femmes de la part d’un prétendu « transactivisme », tout en réduisant les femmes à leurs simples organes génitaux. Cette définition contredit la majorité des écrits féministes produits depuis les années 1960. On ne naît pas femme, on le devient. De même, ce que l’on désigne comme le sexe recouvre un ensemble de facteurs qui dépasse la binarité imposée depuis des siècles.

Être une femme ne découle pas de la seule assignation sexuée, mais d’une exploitation qui prend plusieurs formes : économique, domestique, sexuelle. Ainsi, contrairement à ce que prétendent les militant·es anti-trans, les femmes trans sont aussi exposées à ces exploitations et aux violences sexistes et sexuelles. Il n’y a pas de condition universelle de “la femme” mais un ensemble d’expériences diverses selon les positions sociales de chacune.

En faisant reposer leur argumentaire sur la méconnaissance du grand public des luttes et vécus des personnes trans, les militant·es anti-trans diabolisent les parcours de transition. Iels font preuve d’une malhonnêteté intellectuelle jouant notamment sur la peur vis-à-vis des enfants trans. La dysphorie de genre deviendrait alors un trouble mental, les opérations, des mutilations, et le soutien du personnel médical et de la communauté trans, des thérapies de conversion. Comme lors du mariage pour tous, la protection des enfants devient un faux-nez derrière lequel iels se cachent pour peser dans le débat public contre les personnes trans. 

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Les droits trans sont indissociables des droits des femmes

La période politique actuelle voit un violent retour de bâton s’abattre sur les droits des femmes, alors que le gouvernement français maintient en poste des ministres accusés de viols. Ailleurs dans le monde, le droit à l’avortement est bafoué, en Pologne et aux États-Unis notamment. Avec 89 député·es RN à l’Assemblée nationale, nous ne sommes pas exempts d’une attaque d’une telle ampleur. Il est plus que jamais important de ne pas se tromper de combat.

Aux États-Unis, l’attaque sur le droit à l’avortement a été précédée par de nombreuses lois anti-trans : dans l’Ohio, la loi Save Women’s Sports Act prévoit qu’en cas de doute sur le sexe d’une élève, celle-ci doit subir un examen intrusif pour prouver son sexe. Dans tous ces cas, il s’agit d’une attaque sur le droit des personnes à disposer de leur corps. L’arrivée d’attaques similaires contre les personnes trans en France nous laisse présager un sort semblable à celui des États-Unis. 

La vision essentialiste des femmes que promeuvent les militant·es anti-trans est partagée par les théoricien·nes réactionnaires et les masculinistes. Il n’y a pas de surprise à ce que ces deux groupes aient coopéré et que l’extrême droite soit le premier relais des publications anti-trans.

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Quelles perspectives pour les mouvements féministes et trans ?

Peu importe que les transitions paraissent incompréhensibles ou abstraites, les personnes trans ne sont pas un exercice de pensée destiné à interroger ce qui définit les rôles masculins et féminins.

La situation politique actuelle oblige le mouvement féministe à se positionner en soutien des revendications des personnes trans. Assister sans prendre parti n’est pas une option. Ne pas se revendiquer anti-trans ne suffit pas, il faut activement exiger avec les trans et avec les féministes, l’émancipation trans.

Nous revendiquons l’autonomie des parcours de transition, la simplification de l’accès aux procédures administratives, la formation du personnel de santé, l’accès aux soins de transition et le remboursement intégral. 

Nous demandons l’ouverture réelle de la PMA aux personnes trans et la facilitation de la filiation administrative pour les parents trans. 

Nous appelons à un soutien massif aux associations venant en aide aux personnes trans et à une hausse des subventions pour garantir la pérennité de leurs actions.

Nous défendons une approche matérialiste des questions trans, c’est-à-dire qui ne soit pas empêtrée dans une approche essentialiste de la féminité, se basant sur les expériences des personnes trans et non sur ce qu’en fantasment les réactionnaires.

Nous réclamons de la part de la presse et des médias qu’ils prennent leur responsabilité dans la manière dont ils ont de représenter et de diffuser les discours sur les personnes trans.

Nous exigeons un soutien clair, économique et institutionnel des acteurs politiques aux personnes trans et à leurs droits.

Nous nous dressons contre l’instrumentalisation par intérêt anti-trans des parcours des lesbiennes et des personnes qui ont détransitionné.

Nous nous opposons à la discorde que certain·es essayent de pousser entre féminisme et droits trans.

Nous appelons au soutien actif de toutes les forces se revendiquant du féminisme envers les personnes trans. 

premiers signataires :

Organisations

Commission Fier-e-s et révolutionnaires du PCF
Du pain et des roses (RP)
Europe Écologie Les Verts (EELV)
Homosexualité et Socialisme (PRG)
Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA)
Union communiste libertaire (UCL)
Fédération syndicale étudiante (FSE)
Mouvement national lycéen (MNL)
Solidaires Étudiant-e-s, syndicats de luttes
Syndicat du travail sexuel (STRASS)
Syndicat des Travailleurs et Travailleuses du Jeu Vidéo (STJV) 
Union Syndicale Solidaires
La Voix lycéenne (VL)

Individus

Ségolène Amiot, députée LFI
Pénélope Bagieu, autrice
Alexandre Baril, professeur agrégé, Université d’Ottawa
Marc-Antoine Bartoli, coordinateur prévention d’Act Up-Paris
Lauren Bastide, journaliste
Amal Bentounsi
Alix Béranger, féministe, psychologue clinicienne
Marilou Berry, actrice et réalisatrice
Olivier Besancenot, porte-parole et ancien candidat NPA à la présidentielle
Agnès Bihl, chanteuse
Pauline Bock, journaliste à Arrêt sur images
Billie Brelok, rappeuse
Barbara Butch, DJ
Marie Cau, seule maire (sans étiquette) trans de France
Magyd Cherfi, auteur, ancien chanteur du groupe Zebda
Aya Cissoko, championne de boxe et auteure
Clarika, chanteuse
Pauline Clochec, maitresse de conférence en philosophie à l’université de Picardie
Maëlle Le Corre, journaliste et autrice
Margot De Re, députée écologiste belge et féministe
Virginie Despentes, autrice
Rokhaya Diallo, journaliste, autrice et réalisatrice
Karine Espineira, sociologue, Université Paris 8
Casey Fabries, co-secrétaire général d’Act Up-Paris
Éric Fassin, sociologue, Université Paris 8
Julie Ferrua, secrétaire nationale de l’Union syndicale Solidaires
Amandine Gay, réalisatrice et autrice
Murielle Guilbert, co-déléguée de l’Union syndicale Solidaires
Adèle Haenel, actrice
Andy Kerbrat, député LFI
Aurore Koechlin, Collectif Féministe Révolutionnaire et sociologue à l’Université Paris 1
Sarah Legrain, Députée LFI
Mademoiselle K, chanteuse
Tal Madesta, journaliste et auteur
Alex Mahoudeau, auteur de « La panique woke »
Mirion Malle, autrice
Florie Marie, porte-parole du Parti pirate
Jul’ Maroh, artiste transféministe
Daria Marx, militante féministe
Corinne Masiero, actrice
Christophe Martet, rédacteur en chef de Komitid
Cloé Mehdi, autrice
Guillaume Meurice, humoriste et chroniqueur radio
Liza Monet, artiste rappeuse
Yolande Moreau, comédienne
Danièle Obono, députée LFI
Océan, réalisateur et comédien
Paloma (Hugo Bardin), drag queen
Eric Piolle, maire EELV de Grenoble
Jüne Plã, autrice de Jouissance Club
Pomme, chanteuse
Christine Poupin, porte-parole NPA
Philippe Poutou, porte-parole et ancien candidat NPA à la présidentielle
Paul B. Preciado, philosophe
Eddy de Pretto, chanteur
Charlie Rano, comédienne et réalisatrice
Giovanna Rincon, directrice d’Acceptess-T
Élisa Rojas, avocate et militante
Mathieu Rigouste, Chercheur en sciences sociales
Marina Rollman, humoriste
Sandrine Rousseau, députée EELV
Olivia Ruiz, chanteuse
Tahnee, humoriste afro-féministe lesbienne
Maud-Yeuse Thomas, co-fondatrice Observatoire des transidentités (ODT)
Assa Traoré, militante antiraciste
Valérie Rey-Robert, autrice et féministe
Fiona Schmidt, autrice et militante féministe
Danielle Simonnet, députée LFI de Paris
Marie Slavicek, journaliste au Monde
Kiddy Smile, artiste
Saïdou, artiste (Sidi Wacho)
Shirley Souagnon, humoriste
Louis-Georges Tin, fondateur de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie
Usul, vidéaste et streamer
Mélanie Vogel, sénatrice EELV
Rebeka Warrior, artiste
Dr. Imam Ludovic-Mohamed Zahed, institut CALEM (Marseille)

Associations

Acceptess-T
Act-Up Pars
AIDES
Bi'Cause
CIA – Collectif intersexe activiste
Collectifs des Collages Féminicides Paris
Coordination féministe
La coordination nationale du collectif #NousToutes
David & Jonathan
EFiGiES – étudiant-e-s, doctorant-e-s et jeunes chercheur-e-s en Études Féministes, Genre et Sexualités
Fédération Parapluie Rouge
Fransgenre
Inter-LGBT
Libération lesbienne
MAG Jeunes LGBT+
Organisation de Solidarité Trans (OST)
Ouest Trans
OUTrans
Le Planning Familial
Pride des Banlieues
Le ReST, réseau santé Trans
RITA
Les Séropotes
SOS homophobie
Toutes des femmes

Médias, journaux, revues, maisons d’éditions

Éditions Cases Rebelles
Éditions Hors d’atteinte
Éditions Les Grillages, maison d’édition trans et féministe
Éditions Libertalia
Friction Magazine
Revue GLAD! (revue sur le langage, le genre et les sexualités)
Gusoma, media afro-LGBT
Madame Rap, premier média dédié aux femmes et aux LGBT+ dans le rap
Manifesto XXI, média
PD La Revue
Revue Trou Noir
Women Who Do Stuff

Lien vers le site de la tribune et l'ensemble des signataires : https://alliancetransfem…