Publié le Mercredi 21 octobre 2020 à 10h17.

Le couvre-feu pour faire vivre les profits au temps du Covid-19

Face à l’explosion des nouveaux cas de Covid-19, le gouvernement a décidé d’activer un seul levier, le couvre-feu pour 20 millions de personnes. Le seul levier qui ne pénalise pas les profits. On est bien loin des impératifs de santé publique. Un pari qui ne sera probablement pas gagnant. Alors après le couvre-feu du soir, le couvre-feu du week-end ? Une seule certitude, la vie de 20 millions de personnes va être réduite au fameux métro-boulot-dodo. Nos loisirs, nos amours, notre culture, nos amiEs, nos vies sous couvre-feu. D’autres choix étaient possibles.

Couvre-feu, une efficacité limitée, sauf pour les profits des grands groupes ! Le gouvernement s’est appuyé sur l’exemple de la Guyane pour dire que le couvre-feu est efficace. Selon Santé publique France, il aurait réduit de 36 % le taux de transmission du virus. Une affirmation bien audacieuse, à la lecture des publications de l’Agence régionale de santé de Guyane. Car si cette baisse existe bien, elle est le résultat de plusieurs éléments, le couvre-feu, mais aussi le confinement total des régions où le virus circulait le plus, ainsi que la fermeture des communications avec le Brésil tout proche, grand pourvoyeur de contamination virale1. Dans d’autres cas, on peut aussi relever les effet pervers du couvre-feu : à Anvers, une aggravation des pics de fréquentation dans les transports en commun !

Les oubliéEs des mesures de Macron

Si les contaminations familiales et sur le temps de loisirs sont mises en avant, toutes les contaminations en entreprise ont été oubliées. Les plus fragiles, les plus touchés lors de la première vague ont aussi été oubliés ! Pourtant selon Santé publique France (chiffres du 8 octobre), parmi les 3 207 clusters, les entreprises hors établissements de santé (ES) restaient parmi les types de collectivités les plus représentées avec 25 %, puis le milieu scolaire et universitaire 21 %, les établissements de santé 11 % ; le milieu familial élargi (plusieurs foyers) et les évènements publics/privés rassemblant de manière temporaire des personnes, 17 %. Et le système éducatif devient le principal lieu de contamination avec 35,3 % des clusters en cours d’investigation, donc récents.

Lors de la première vague, les personnes âgées, les personnes fragiles face au Covid-19 ont été basculées sur le télétravail. Et en cas d’impossibilité eux, mais aussi leurs familles, ont été mis en chômage partiel indemnisé par l’État. Or le décret du 29 août a vidé cette catégorie de la plupart des personnes qui pouvaient en bénéficier auparavant. Seuls en bénéficient encore… ceux qui de toutes les façons ne peuvent pas travailler ! Tous les autres, au travail. Tout cela pour économiser 50 à 100 millions d’euros par mois en protégeant 50 000 à 100 000 personnes à risque de forme grave de Covid, selon l’OFCE. « Oubliés » les fragiles du Covid ! Heureusement, le Conseil d’État, saisi par la Ligue contre l’Obésité, a cassé le décret. Autre « oubli » de Macron, pas question d’imposer le télétravail aux entreprises, comme hier il a fallu attendre le 1er septembre pour y imposer le port du masque. Cela reste au bon vouloir de chaque patron, qui doit rester maître de l’organisation du travail.

Réduire les productions inutiles, réduire le temps de travail, augmenter les temps de pause, notamment déjeuner, vider les prisons, fermer les centres de rétention, donner du pouvoir aux salariéEs, aux syndicats pour imposer une organisation du travail efficace contre le Covid, réquisitionner des bâtiments vides pour dédoubler les classes et les cantines, embaucher du personnel, voilà autant d’exigences qui coûtent sûrement, d’après Macron, un « pognon de dingue » et qui en plus ont le malheur de renforcer le collectif de travail, au moment où gouvernement et patronat veulent faire passer licenciements et mauvais coups contre les travailleurEs.

Contaminations sous-estimées dans les transports

Bars fermés, mais quais bondés, surtout aux heures de pointe. Selon Jean-Baptiste Djebbari, ministre des Transports, les transports en commun ne représentent que 1,2 % des clusters. Et cela grâce aux masques, dont le port est très respecté dans tous les transports en commun, même si 15 000 contravention ont été dressées à la RATP, sans compter les masques portés sous le nez ! Un chiffre très sous-estimé, selon de nombreux épidémiologistes, car impossible dans des transports anonymes de tracer une contamination. Or une étude chinoise sur l’ensemble des contaminations transport entre décembre 2019 et mars 2020 souligne bien l’importance centrale du port du masque. Mais elle pointe aussi la majoration du risque avec la durée des trajets, le type de ventilation… et le respect de la distanciation physique. Or toutes ces mesures de distanciation ont été suspendues… pour permettre à touTEs d’aller au travail.

Un couvre-feu qui réduit nos vies à la production de leurs profits, aucune mesure de protection au travail, en formation ou dans les transports, aucune embauche dans les hostos, aucun changement de pied sur les campagnes de tests ciblés, la menace des amendes et un discours autoritaire, là où il faudrait investir dans notre intelligence collective, notre capacité à vivre, aimer et travailler en minimisant les risques pour les plus fragiles face au Covid, un tout faux pour le banquier de l’Elysée. Pour lui nos vies, la démocratie, valent moins que leurs profits.