Publié le Mercredi 13 mai 2020 à 09h42.

Un « plan d’investissement » dans la santé, pour aller où ?

Confronté à l’épidémie de coronavirus, Macron annonçait au personnel hospitalier, le 25 mars, une « réponse de court terme » sous forme d’une prime exceptionnelle et « à l’issue de cette crise, un plan massif d’investissements et de revalorisation de l’ensemble des carrières sera construit pour notre hôpital ». « Une réponse profonde et dans la durée » assurait-il.

Un mois et demi est passé. Même les mesures immédiates tardent à s’appliquer. L’attribution de la « prime exceptionnelle » s’est faite a minima. Quant aux mesures de protection et de dépistage, elles restent bien en deçà des besoins réels, le nombre des personnels infectés en témoigne. Masques, sur-blouses, tests manquent toujours et ce manque fait encore des victimes.

Quant à ce qui attend l’hôpital et le système de santé pour demain les inquiétudes se font de plus en plus fortes alors que le risque de « deuxième vague » se précise. Ces inquiétudes ont été exprimées dans une déclaration commune des collectifs (inter-urgences, inter-hôpitaux, printemps de la psychiatrie, coordination nationale) et des syndicats de professionnels du secteur.

« Nous le répétons, les professionnelEs ne se contenteront plus de belles promesses et de remerciements ! » écrivent-ils en exigeant l’ouverture de négociations immédiates sur leur plateforme revendicative :– Plan de formation pluridisciplinaire et plan de recrutement de personnel ;– Revalorisation générale des salaires et reconnaissance des qualifications des professionnelEs ;– Renforcement des moyens financiers significatifs pour les établissements ;– Arrêt de toutes les fermetures d’établissements, de services et de lits ;– Garantie de l’accès, de la proximité et de l’égalité de la prise en charge pour la population sur tout le territoire.

Service public ou « État stratège »... vers la privatisation

Le renforcement et l’élargissement du service public de santé n’est pourtant pas l’option qui se dessine pour le « jour d’après ». Dans ce domaine, comme dans les autres, pour Macron et les siens, l’heure est plutôt à l’exploitation de la crise pour aller encore plus loin dans les contre-réformes libérales.

Recruter massivement pour le service public hospitalier, réinvestir fortement pour permettre la réouverture des lits et services indispensables, élargir les missions du service public hospitalier, pour lui permettre d’anticiper et de faire face à une crise sanitaire suppose la remise en cause des coupes dans les dépenses publiques de santé. Pour cela, il faudrait en finir avec la baisse et les exonérations de cotisations sociales patronales et, au contraire, augmenter les ressources de la Sécurité sociale.Il n’y a pas le moindre signe d’une telle option. Darmanin, ministre des Comptes publics, dramatise le déficit « abyssal » de la Sécu qui attendrait 41 milliards à la fin de l’année. Il supprime pour plusieurs mois ce qu’il continue d’appeler des « charges » sociales pour les employeurs. Le célèbre « trou de la Sécu » ne peut dans ces conditions que s’approfondir, et entrainer de nouvelles réductions des dépenses, dont les dépenses hospitalières.

Annoncer un « plan massif d’investissement » dans l’hôpital ne signifie pas assurer le financement public du service public de santé. La note rédigée à la demande de l’Élysée par deux hauts fonctionnaires de la Caisse des Dépôts et révélée par Mediapart le confirme. « L’État stratège » cher au président confierait au secteur privé des missions de service public (du moins celles qui sont rentables). Cette note envisage un financement public massif… au profit des entreprises privées du secteur : start-up, réseaux de soins concurrentiels des assurances et mutuelles, hospitalisation privée « à but non lucratif ». Elle prévoit et l’extension de « partenariats publics-privés » dont le bilan est pourtant catastrophique.

Sous couvert de participer à l’élan de solidarité avec les soignantEs c’est d’ailleurs ce modèle qui se met en place dés aujourd’hui avec les « dons », nullement désintéressés de Dassault, LVMH ou Total a « Tous unis contre le virus » rassemblant la Fondation de France, l’AP-HP et l’Institut Pasteur.

Un hôpital, un service public de santé, de plus en plus financés, comme la recherche par des fondations privées, des dons d’entreprises privées, et la charité publique, tel est le « jour d’après » que prépare l’exécutif.

Pour imposer l’alternative d’un service public, répondant aux besoins de la population et non à celle de la rentabilité et du profit, financé par la Sécurité sociale, il va falloir se battre avec détermination. La conscience désormais très forte de cet enjeu le permet.