Publié le Jeudi 16 décembre 2010 à 16h30.

Position 2 présentée par 21 membres du CPN : orientation - construction

Dans une situation de crise et de violences provoquées par la barbarie capitaliste contre des millions de travailleurs et de pauvres, dans un monde où cette même barbarie provoque des désastres écologiques sans précédant et menace jusqu’à la survie même de l’humanité, dans une société où une course de vitesse est engagée contre la démagogie nationaliste, raciste et xénophobe du gouvernement et de l'extrême droite, nous sommes toujours convaincus qu'il est urgent de construire un parti de combat pour les travailleurs et tous les exploités, un parti audacieux et radical, capable d’aider l’ensemble du prolétariat à trouver les voies de son émancipation. Un parti qui offre une perspective à celles et ceux qui aspirent à renverser le capitalisme, un parti qui donne confiance aux opprimés et aux exploités en leurs propres forces pour changer le monde et aller vers une autre société socialiste ou communiste.

La crise et son cortège de vies brisées ne pouvait que renforcer notre conviction de la justesse de ce projet. Ce qui s’est passé au cours de ces derniers mois le montre davantage encore. Si le mouvement que nous venons de vivre a confirmé quelque chose, c’est bien le rôle central de la classe ouvrière dans l’affrontement avec la bourgeoisie, et la nécessité aujourd’hui de nous préparer à des luttes de grande ampleur au moment où un nouvel espace existe pour les idées anticapitalistes et révolutionnaires. C’est cet affrontement que les partis de la gauche institutionnelle et les directions des grandes confédérations syndicales se refusent à préparer et mener jusqu’au bout. La construction d’un parti réellement implanté dans les milieux populaires, en particulier dans les entreprises, est plus que jamais d’actualité.

Pourtant au regard de ces objectifs, les deux années que nous venons de vivre depuis la fondation du NPA continuent à susciter inquiétudes et interrogations sur les orientations et le fonctionnement passés comme sur la suite à donner. Les camarades du parti étaient certes complètement investis dans la mobilisation sur les retraites. Mais cela laisse entier bien des problèmes non résolus en matière d’orientation qu’il nous faut continuer à discuter, y compris sur notre intervention dans les luttes.

Et cela d’autant plus que ces derniers mois ne peuvent pas faire oublier le bilan, tout le bilan de ce qui s’est passé depuis deux ans. Le parti a connu une véritable crise à l’occasion des régionales, liées au fait que bien des illusions demeurent sur les possibilités qu’offrent les élections. Au lieu de les combattre, la direction a conforté ces illusions en faisant une priorité des résultats électoraux et des élus que l’on pouvait obtenir, tout en tentant une politique d'alliances au sommet, rompant par là avec notre projet initial de s'adresser directement aux classes populaires pour construire un parti nouveau, en rupture avec les institutions, indépendant du PS et ses alliés.

Dans cette situation, notre conviction est que le projet de faire du NPA l'outil politique dont les travailleurs, les jeunes et l’ensemble des exploités et opprimés ont besoin, est toujours à l'ordre du jour.

La tâche de ce congrès est donc de préparer le parti aux deux ou trois ans qui sont devant nous, à la situation objective provoquée par la crise. Il nous faut pour cela construire un parti et définir une politique qui fasse réellement le lien avec les besoins, les aspirations, l'état d'esprit et les combats des exploités, ce que nous en percevons aujourd’hui et ce que nous pouvons commencer à anticiper. Notre tâche est de préparer le parti en étant capables non seulement d’organiser les résistances ici et maintenant, mais aussi anticiper ce qui peut se passer à l'échelle de l'Europe avec des protections sociales dévastées, des millions de travailleurs au chômage, des fonctionnaires licenciés, des salaires baissés de 20 à 25%, des pensions réduites à la portion congrue et des classes exploitées qui cherchent au milieu de toutes ces difficultés les voies et les moyens de leur émancipation.

I) Un parti anticapitaliste et révolutionnaire

1) Un parti pour les classes populaires

  1. L’accélération de la crise ouvre une nouvelle période

Dans ce contexte de crise, le patronat et son homme de main Sarkozy sont à l’offensive pour démanteler tout ce que les luttes sociales ont apporté depuis l’après-guerre. Ils disposent d’un certain nombre d’atouts. Le poids du chômage et des nombreux reculs imposés par les gouvernements successifs et l’absence d’une véritable opposition de la part des partis de la gauche institutionnelle et des directions syndicales pèsent fortement sur la conscience et la combativité du monde du travail. A cela s’ajoutent d’autres facteurs comme, par exemple, les réorganisations incessantes de la production, qui vont dans le sens de la division et de l’émiettement du prolétariat, ou encore l’agression permanente de la droite et du gouvernement sur le terrain du racisme et des préjugés contre l’islam, facteur de division au sein des exploités.

D’un autre côté, la crise est aussi en train de modifier en profondeur les consciences, mettant en cause les certitudes passées sur le capitalisme et les vertus du « dialogue social ». Les luttes de 2009 en Grèce et en France (notamment les mobilisations contre les licenciements), la grève générale aux Antilles puis les luttes en 2010 sur les retraites, ont montré, à un degré ou un autre, l’intervention grandissante des travailleurs du privé dans la lutte des classes et de nouvelles potentialités. Les préoccupations quotidiennes peuvent rapidement prendre un tour politique et, à l’inverse, un scandale politique comme l’affaire Woerth Bettencourt a pu contribuer à changer le climat au moment où les travailleurs ont commencé à se mobiliser pour défendre les retraites.

Il nous faut donc partir de cette contradiction : les périodes qui pèsent le plus sur les classes populaires sont aussi celle qui offrent le plus d'opportunités. Mais pour cela, il nous faut garder le cap. Nous devons combattre l’illusion qu’il est possible de résoudre les problèmes quotidiens dans le cadre des institutions. La crise exige des réponses urgentes et radicales, sinon nous risquons de laisser la place au désespoir et aux démagogues racistes et xénophobes du FN toujours en embuscade qui peuvent désigner de manière très radicale bien d’autres cibles que les capitalistes. Il y a une course de vitesse entre eux et nous.

  1. L’actualité de notre projet, un parti que l’on construit « par en bas »

Le projet d'un nouveau parti anticapitaliste n'est pas né du seul succès électoral de la LCR en 2007, mais aussi et surtout de la situation elle-même qui le justifiait pleinement. Le choix du NPA a d’abord été de rompre avec une politique très ancienne de la LCR, celle des recompositions par en haut avec des morceaux de la gauche traditionnelle qui sont restés accrochés à l’idée d’un rééquilibrage des rapports de force électoraux avec le PS. En 2007 le problème a été pris autrement, en s’adressant plus largement à la population et en construisant le parti « par en bas », en misant sur le renouveau d’une radicalité sociale et politique, en faisant le choix d'être confrontés à des milieux différents, plus populaires et moins hésitants que les milieux militants finalement très restreints de la gauche de la gauche.

Alors que la crise s'annonce comme la plus sérieuse depuis 1929, la création du NPA montre que l'affirmation d'une politique indépendante menée par des révolutionnaires qui cherchent à s'adresser directement aux classes populaires peut être entendue.

  1. Un parti indépendant du PS et de ses alliés

Faisant le bilan de l'épisode Ségolène Royal de 2007 et des tentatives d’une alliance avec le Modem, le PS, depuis l’élection de Martine Aubry, a changé de ton et adopte un profil « plus à gauche ». Il laisse cependant le champ libre à certains de ses dirigeants, notamment DSK, pour ratisser au centre droit. Dans tous les cas, c’est bien au service des capitalistes que le Parti socialiste s’apprête à revenir au pouvoir.

C’est d’ailleurs le cas partout en Europe : la social-démocratie organise les plans de rigueur imposés aux peuples avec le soutien du FMI dirigé par DSK. La solution à la politique de la droite aujourd’hui ne peut être l’alternance à gauche car elle ne fera que continuer l’offensive contre les travailleurs et les peuples. Battre la droite n'a de sens qu'en battant les politiques de droite même lorsqu’elles sont menées par la gauche.

L’apparition en France du Parti de gauche dont l'appareil est issu du Parti socialiste a permis la constitution d’un « Front de Gauche ». Son succès électoral très relatif tient plus au fait qu'il soit passé devant le NPA qu'à ses résultats propres dans un contexte où l'abstention populaire et des jeunes a été le fait marquant. Sa recette tient dans la vieille illusion de la politique du PCF de peser sur le Parti socialiste au travers des élections en l’obligeant à mener une politique plus à gauche une fois arrivé au pouvoir.

Ces partis ne représentent nullement une « gauche radicale » ou « gauche de rupture ». Ce qui revient à la surface, en particulier dans certain milieux militants, c’est au mieux l'illusion qu’il pourrait exister une « gauche de gauche » capable de transformer le capitalisme dans le cadre des institutions, tout en s’appuyant sur le mouvement social. Cela nous oblige d’autant mieux à définir avec précision notre propre projet politique en rupture avec le capitalisme. La fonction politique des partis de la gauche antilibérale est de ramener dans le cadre du système et des institutions les mobilisations et la radicalité. La proposition de référendum sur la réforme des retraites, au moment où il s’agissait de construire la grève générale, illustre parfaitement cette stratégie.

2) Un parti pour le socialisme

  1. La planète au bord du gouffre

La crise - exceptionnelle par son intensité - s’intègre dans le cadre des rapports de domination et d’exploitation à l’échelle mondiale. Depuis vingt ans, les guerres se sont multipliées sur fond de lutte d’influence entre les grandes puissances. En même temps, la crise accélère l’évolution des rapports de force entre elles et face à la Chine, ce qui ne peut qu’aggraver les tensions.

Le désastre qui nous menace, notamment au travers de la crise climatique, est la conséquence de la nature même du capitalisme, fondé sur une double exploitation du travail et de la nature. Marx expliquait en son temps que le capitalisme ne se développe « qu'en épuisant en même temps les deux sources d'où jaillit toute richesse : la terre et le travailleur». Plus que jamais, ce diagnostic s’est pleinement vérifié et a pris une nouvelle dimension au cours des dernières décennies, renforcée du fait que le "travailleur", les pauvres, les populations les plus défavorisées sont les premières victimes de l'épuisement de la "terre" et souffrent en priorité des cadres de vie dégradés comme des désastres écologiques.

Aujourd’hui, plus personne ne peut ignorer l’ampleur de la crise écologique, devenue une véritable crise de civilisation. Face à la dégradation de leurs conditions d'existence, la question écologique est devenue une réelle préoccupation pour nombre de travailleurs, de plus en plus conscients que le système actuel nous mène droit dans le mur. La classe dominante est incapable d'y répondre, car la résolution de la question écologique rentre en contradiction avec les fondements même du système. Elle n'arrive même plus à donner le change, comme l'a montrée le fiasco du sommet de Copenhague. La désinvolture avec laquelle la classe dominante menace notre environnement apparaît également dans les combats quotidiens contre les maladies professionnelles liées à l'amiante, aux éthers de glycol, au stress, l'explosion des cancers, des maladies auto immunes...

À la racine de la crise qui nous menace, il y a une production guidée par la recherche du profit et l'accumulation illimitée de capital. Il n’y aura pas de préservation des ressources naturelles sans changer radicalement ce mode de production et ses rapports de propriété. Les conceptions visant à culpabiliser les travailleurs et à les rendre responsables de la situation sont inefficaces et contre-productives, car elles ne mobilisent pas contre les réels responsables. Ce n'est pas un quelconque «productivisme» déconnecté du fonctionnement global du capitalisme qui est coupable. Contrairement aux tenants d'un hypothétique «capitalisme vert», notre écologie s'inscrit pleinement dans la lutte des classes et dans la nécessité d'un renversement du système capitaliste. Ainsi notre revendication de reconversion de l’outil énergétique et par voie de conséquence, de son appropriation collective et de sa mise sous contrôle des travailleurs prend tous son sens. Face à cette crise globale, une planification à l'échelle internationale est indispensable.

  1. Le socialisme comme projet de société

Notre parti est pour construire une société alternative à la société capitaliste, pour le socialisme, c'est-à-dire l'appropriation collective des moyens de production. Elle seule permettra la planification démocratique de l’économie en fonction des besoins de tous et toutes, en tenant compte des ressources réelles et en permettant le respect de la nature.

Le socialisme ne sera possible que par l’organisation de la société par les travailleurs et la population, au moyen de nouvelles formes d’organisation : comités démocratiques dans les entreprises, les quartiers, les lieux d’étude... L’élection des représentants à tous les niveaux, leur révocabilité à tout moment, leur indemnisation au salaire moyen d’un travailleur permettront une véritable démocratie. La société que nous voulons sera à l’image des mobilisations qui la créeront : c’est l’auto-activité des travailleurs, la fin de la séparation entre production et organisation de la société qui domineront.

Ce projet de société est incompatible avec la politique et les institutions de l’Union européenne. Avec Au contraire de cette Europe faite pour les patrons et pour peser dans les rapports de forces internationaux, l’Europe que nous voulons est une alliance des travailleurs et des peuples. Nous défendons la perspective des Etats Unis socialistes d’Europe.

3) Un parti pour la révolution

  1. Le renversement de l’Etat

Nous devons réaffirmer nos choix et nos priorités : nous sommes un parti pour les luttes d'aujourd'hui, pour le pouvoir des travailleurs demain. Cela ne veut certainement pas dire que le NPA se contenterait d’être un « super syndicat » mais que nous concevons notre manière de faire de la politique d’une façon totalement différente de celle des autres partis, qui ne conçoivent le «débouché politique» qu’en terme électoral ou institutionnel.

Notre politique de « rupture » avec les institutions au service de la bourgeoisie doit nous amener à assumer le caractère révolutionnaire de notre programme, à commencer par ce que disent explicitement les Principes fondateurs adoptés en 2009 : « Il n’est pas possible de mettre l’Etat et les institutions actuelles au service d’une transformation politique et sociale. Ces organismes, rodés à la défense des intérêts de la bourgeoisie, doivent être renversés pour fonder de nouvelles institutions au service et sous le contrôle des travailleurs et de la population ».

Notre objectif demeure celui d'un gouvernement anticapitaliste pour la transformation révolutionnaire de la société. Les formes d'organisation permettant de changer réellement les choses ne pourront être que le produit de l'inventivité et de l'auto-organisation des classes populaires qu'elles développeront dans le cadre de leurs luttes. Si nous ne pouvons prévoir la forme que prendront les révolutions de demain, les luttes passées et actuelles confirment le rôle central de la grève générale et de l’auto-organisation dans la conquête du pouvoir.

b) Une démarche transitoire

La crise peut nous permettre de faire réellement le lien dans notre intervention entre les revendications quotidiennes, la question du pouvoir et l'aspiration à une autre société plus humaine, libérée du capitalisme et de toute exploitation, oppression ou destruction de la planète. A partir des besoins immédiats et des aspirations à une autre société, nous cherchons à favoriser une dynamique de lutte et d'action qui remette en cause les principaux rouages du système capitaliste. En ce sens, c’est tout le contraire d’un programme applicable par en haut, dans le cadre des institutions, sans l’intervention directe du mouvement de masse.

Les mesures transitoires que nous défendons impliquent systématiquement une dimension de contrôle par les travailleurs, c’est-à-dire une contestation du droit absolu du patronat à décider de qui produit quoi et comment. Nous lions la question de l’interdiction des licenciements à celle du contrôle sur les embauches par les travailleurs eux mêmes, l’augmentation des salaires à l’ouverture des livres de comptes, l'expropriation et la nationalisation du secteur bancaire à son contrôle démocratique par les employés du secteur et la population. A travers une telle démarche, nous posons la question de qui dirige, c'est à dire la question du pouvoir, du gouvernement des travailleurs.

Un tel gouvernement n’a rien à voir avec un gouvernement prétendument « au service de la population » qui agirait dans le cadre des institutions en faisant les transformations sociales en lieu et place des travailleurs eux-mêmes. Il n’y a pas de loi possible en régime capitaliste qui pourrait interdire les licenciements.

II) Une orientation lutte de classe

La crise et les attaques de la bourgeoisie qui en découlent nous font entrer dans une période de forte instabilité. La victoire de la classe dominante n’est pas assurée, comme le prouvent les multiples résistances actuelles. Les confrontations seront de plus en plus dures. La reconstruction de la conscience de classe et d’une alternative au système passera par des mobilisations de masse.

Le centre de gravité du NPA doit donc être la préparation d’un mouvement d’ensemble, d’une grève générale qui est la seule réponse à la hauteur des enjeux. Mais nous n’attendons pas passivement ce moment. Nous devons prendre des initiatives, mener des luttes partielles qui sont autant d’expériences qui nous préparent et préparent les travailleurs à un affrontement généralisé.

1) Construire une direction alternative aux directions réformistes

a) Militer dans les syndicats, faire vivre la démocratie ouvrière

Le mouvement syndical s’est considérablement affaibli en France. L’intégration au système capitaliste des appareils syndicaux s’est accentuée à tous les niveaux. L’arrivée de Sarkozy a marqué une nouvelle étape dans ce sens. Cela montre qu’il peut y avoir à la fois une répression accrue contre les militants de base, une criminalisation du mouvement social, et une intégration croissante des appareils et des directions au sommet. L’évolution de la CGT, comme celle de la FSU, sont significatives.

Nous devons militer dans les syndicats et encourager tous les camarades à y intervenir. Divers courants politiques s’y côtoient aux côtés de travailleurs non organisés politiquement. Cela peut contribuer à construire des mobilisations de masse, unitaires. De plus, les syndicats restent le premier niveau élémentaire d’organisation des travailleurs. Militer syndicalement signifie également reconstruire cet outil dans une série d’entreprises où la présence syndicale est très faible (commerce, restauration, sous-traitance…). Le syndicalisme c’est aussi organiser les luttes du quotidien pour gagner une légitimité, être utile dans la boîte.

Nous devons cependant avoir une orientation alternative à celle des directions syndicales. Cette orientation, c’est défendre la démocratie ouvrière (AG, comités de grève, auto-organisation…), et ne pas hésiter à rompre avec le dialogue social gouvernement/syndicats (retrait du projet de loi sur les retraites, 37,5 annuités, grève générale...). C’est également dénoncer la collaboration des bureaucraties syndicales. Pour cela, le NPA doit se fixer comme tâche la construction, avec d’autres, de courants lutte des classes dans les syndicats. Il doit aussi être en capacité d’intervenir directement dans les luttes, notamment en défendant une politique au travers de sa presse d’entreprise. Nous rejetons la distinction que font généralement les réformistes entre les luttes réservées aux syndicats et les élections aux partis politiques. C’est au travers des luttes que l’on fait de la politique et que peuvent se mettent en place de nouveaux organes susceptibles de contester le pouvoir de la bourgeoisie.

Pour toutes ces raisons, il est essentiel pour nous de construire des groupes politiques révolutionnaires dans les entreprises en commençant par les plus importantes, celles qui ont le plus de chance de jouer un rôle majeur et d’entraînement dans un mouvement d’ensemble et une grève générale. Sans l’existence de ces groupes dans un nombre relativement important d’entreprises, l’intervention du parti dans les luttes restera un vœu pieu ou dans les faits se bornera à suivre la politique des directions syndicales.

b) Pour l’unité de la classe ouvrière, une politique de «front unique»

L’objectif est d’entraîner la majorité de la classe ouvrière dans l’action pour lui redonner confiance et faire en sorte que les luttes puissent déborder le cadre fixé par les directions réformistes.

Militer dans les cadres unitaires doit servir à renforcer notre camp social sans renoncer à défendre notre propre orientation. C’est la raison pour laquelle il nous paraissait indispensable de défendre dans les collectifs unitaires, dans les syndicats et par notre activité propre, des mots d’ordre que les travailleurs sont susceptibles de reprendre largement comme les 37,5 annuités, le retrait du projet de loi sur les retraites, la grève générale. A l’inverse, la signature de l’appel de la LDH du 4 septembre était une erreur car ce n’est pas sur la base de la défense de l’ordre républicain que la conscience des travailleurs pourra progresser. Par contre, il fallait, sans signer l’appel, appeler à la manifestation contre le racisme d’état qui divise notre camp social.

Notre objectif n’est pas de chercher artificiellement à mettre en avant des revendications les plus révolutionnaires possibles, ni de faire un «front unique à la base» qui ignorerait qu’une partie de la base fait encore confiance à des organisations et à des directions avec qui il faut bien discuter. Mais l’objectif reste bien de faire bouger les lignes, ce qui suppose qu’on soit capable d’être les porte-paroles de ce qu’il y a de profondément radical et subversif dans un mouvement lorsque des travailleurs ont décidé de se mettre en lutte. C’est notre priorité, et c’est cela qui nous permettra de peser y compris sur la politique de nos partenaires.

C’est aussi la raison pour laquelle le front unique ne peut être qu’une forme d’alliance temporaire et forcément dynamique. Cela n’a rien à voir avec un « front politique permanent » ou «durable», ni avec ou un accord électoral, qui supposent une véritable convergence au niveau des programmes et de la stratégie.

2) Participer aux élections sans renoncer à ce que nous défendons dans les luttes

Les élections sont un moment important de la lutte politique, même si le poids de l’abstention dans les milieux populaires doit nous inciter à le relativiser un peu. Participer aux élections et gagner des éluEs peut nous aider à intervenir y compris dans des secteurs où nous n’existons pas et nous servir de tribune pour nos idées. Tout cela est parfaitement juste et légitime.

Le NPA a été confronté en un an à deux élections. C’est beaucoup. Mais cela n’explique pas qu’il ait pu se faire autant aspirer par ces échéances et qu’il y ait aussi peu défendu ses idées. C’est aussi la conséquence de choix politiques, dont on a pu voir les effets après la déclaration commune avec le Parti de Gauche en juin 2009.

La dérive électoraliste, c’est d’avoir prétendu que le recul sur le terrain de la lutte de classe était tel que seul un résultat électoral significatif pouvait nous aider à sortir de cette situation, et qu’avoir des élus était le seul vrai moyen de donner au nouveau parti une crédibilité. C’est le fait en conséquence d’avoir bradé notre propre programme pour s’allier avec les antilibéraux, en particulier sur des revendications aussi importantes pour notre intervention que l’interdiction des licenciements. C’est le fait d’avoir relégué au second plan notre «campagne sociale» sur les salaires puis sur l’interdiction des licenciements car toute l’énergie et toutes les préoccupations du parti ont été totalement aspirées par les discussions sur nos éventuelles alliances électorales. C’est le fait d'accepter des accords régionaux qui prévoyaient explicitement que chacun des partenaires pouvait faire ce qu’il voulait après le second tour concernant la participation aux exécutifs, tout en soutenant dans notre programme électoral des mesures comme les subventions aux entreprises.

Notre politique dans les élections doit être cohérente. Nous ne demandons pas aux réformistes d’être des révolutionnaires mais nous n’avons pas le droit à l’inverse de défendre dans un programme électoral quelque chose de très éloigné voire de contraire à ce que nous sommes en train de défendre dans les luttes et dans notre propagande quotidienne.

Parler aujourd'hui publiquement de 2012 comme d'une échéance décisive serait continuer l'erreur et cautionner la campagne actuelle qui vise à rendre subsidiaire les mobilisations. C’est dès maintenant que nous pouvons dire que le NPA ne soutiendra à l’occasion des présidentielles et des législatives que des candidatures clairement anticapitalistes, indépendantes du PS et des partis du Front de gauche, sur une plate-forme lutte de classe, correspondant à la situation du monde du travail, ses besoins et ses préoccupations.

III) Construire le NPA

1) Un parti démocratique et militant

Ce que nous voulons, c’est un parti militant et non un parti d’adhérents. Cela ne veut pas dire un parti élitiste, bien au contraire. C’est un parti où l’on va trouver des rythmes personnels et des engagements différents. Mais c’est surtout un parti où l’on cherche à collectiviser toutes nos expériences, ce qui suppose des réunions régulières et un minimum d’activités où chacun peut trouver une place afin de confronter ses idées avec ses camarades et avec ce qui se passe dans la société autour de nous, dans un va et vient permanent. C’est un gage de sérieux et de démocratie.

Or la démocratie justement reste à améliorer dans notre parti. Cela suppose une certaine centralisation de l’information et de l’activité. Cela ne veut pas dire que tout le monde doit faire la même chose ou qu’il faudrait interdire le droit à l’expérimentation mais que cela se discute collectivement afin de pouvoir faire des bilans réels pour éventuellement corriger le tir.

Cela suppose également que l’on donne une vraie place aux comités et pas seulement en paroles ou dans des formules générales. Les comités sont les lieux où les militants discutent de notre politique, de nos activités, de nos choix, de nos critiques… Ces échanges doivent influencer réellement les directions. Celles-ci doivent être élues, à tous les niveaux de l’organisation.

Des AG doivent précéder ou suivre les CPN de manière à ce que la politique du parti soit discutée collectivement par l’ensemble du parti permettant le contrôle des militantEs.

En retour, il faut vraiment que les comités et les directions intermédiaires soient plus rigoureux sur certaines questions, par exemple celle des finances (presse et cotisation). C’est un gage de démocratie et même tout simplement un gage de survie !

2) Une politique de construction en lien avec notre orientation

Nous ne devons pas nous contenter de soutenir les luttes de l’extérieur : il faut les construire, les impulser, essayer d’y jouer un rôle dirigeant... Cela nécessite un travail d’implantation préalable et sur la durée, être présents dans les entreprises et dans les quartiers populaires et non se contenter d’y intervenir de l’extérieur. Cela demande un véritable soutien de l’ensemble de l’organisation aux camarades qui y militent, pour en faire une priorité au niveau de nos préoccupations, de notre matériel, et de notre structuration (avec des comités d’entreprises et de branche, ainsi que dans les quartiers populaires). Sans cela, il y a peu de chances que nous jouions un rôle significatif dans la lutte de classe, nous contentant de faire quelques interpellations sur ce qu’il faudrait faire en l’absence de militants réellement influents sur place, ce qui revient qu’on le veuille ou non à miser sur notre seul crédit électoral pour avoir une toute petite chance d’être entendus…

Nous devons également intervenir dans des cadres plus larges (syndicats, associations, collectifs…). Les commissions (féministes, écologie, CILT, antiracisme, inter...) doivent prendre en charge, en lien avec la direction, la coordination de l’intervention dans ces cadres de masse.

Les campagnes salaires et licenciements n’ont pas été menées centralement mais seulement prises en charge par certains secteurs de l’organisation, trop souvent sur la base du volontarisme. Nous devons réussir à centraliser et à homogénéiser notre activité en direction des entreprises par notre presse, des feuilles de route régulières, un matériel plus adapté, et par une meilleure structuration nationale et locale (CILT, branches...). Elles doivent pouvoir coordonner la construction de comités dans les secteurs, aider à l’écriture de feuilles de boîtes, mettre en place les campagnes.

Ce sont autant d’enseignements que nous pouvons tirer du mouvement que nous venons de vivre sur les retraites, en matière d’implantation, de structuration, et de choix politique.

Dans les quartiers populaires, nous participons pleinement aux mobilisations sur les services publics, contre les politiques racistes et répressives, et les lycées, par un travail d’implantation sur la durée. L’organisation doit faire un effort particulier pour s’implanter dans ces quartiers, en essayant d’avoir une vision d’ensemble sur notre intervention et sur les possibilités pour les militants de mieux articuler l’intervention sur leur lieu de travail et sur leur lieu d’habitation, de militer dans des associations locales.

S’y implanter largement et chercher à influencer les mobilisations de la jeunesse est un enjeu déterminant pour le NPA et demande un effort conscient. Nous devons développer une activité en direction des lycées, universités et les lieux où se trouvent en nombre les jeunes travailleurs (CFA, FJT, restauration rapide…). Nous y déclinons l’orientation du NPA sur les questions qui touchent particulièrement les jeunes : réformes de l’éducation, casse des diplômes et des garanties collectives des futurs salariés, dégradation des conditions d’études et de vie (chômage, précarité, aides sociales), répression ; et avançons le fait que le capitalisme n’offre aucun avenir aux nouvelles générations.

Les modes de politisation, les rythmes de mobilisation des jeunes sont différents du reste des salariés. C’est pourquoi, nous développons les possibilités pour le secteur jeune d’élaborer et sortir régulièrement du matériel spécifique, un journal, ce qui implique un budget propre. Renforcer la structuration de ce secteur pour mieux coordonner cette intervention, c’est favoriser la tenue de secrétariats jeunes nationaux et d’une conférence nationale jeune par an.

Les femmes sont les premières touchées par la précarité (temps partiel imposé, emplois non-qualifiés, faibles salaires…) et sont plus durement affectées par les grandes réformes comme celle des retraites: nous devons pousser à ce que nos revendications et nos luttes syndicales prennent systématiquement en compte cette dimension.

Notre politique de construction doit également s’appuyer sur une réflexion sur le fonctionnement de l’organisation. Les heures et des lieux des réunions doivent permettent d’accueillir les travailleuses et les travailleurs du rang, et permettre de s’appuyer sur nos expériences militantes et nos interventions pour agir ensuite plus efficacement. Il faut aussi poser les problèmes de direction : avec la volonté de centraliser et redistribuer le bilan de nos interventions, le souci d’associer dans les directions des camarades directement impliqués dans le travail entreprise et les commissions.

La démocratie passe enfin par le fait de tendre vers une égalité hommes/femmes dans l’organisation. Mais ne se préoccuper de parité dans nos instances que les jours de congrès, ce n’est pas une vraie orientation féministe: la prise de responsabilité des femmes dans l’organisation doit être un souci permanent et collectif, tout comme le fait de chercher activement à recruter des femmes. Nous devons mener une politique de formation volontariste pour permettre aux femmes et aux jeunes/nouveaux militants de se saisir pleinement des débats et de se sentir armés pour défendre les idées du NPA dans différents cadres.

3) Pour l’unité de combat de tous les exploitéEs

L’internationalisme est au cœur de notre engagement. Cette solidarité internationaliste a un contenu de classe. Elle est liée à notre combat pour le renversement du capitalisme. La lutte de classes est internationale : toute victoire de notre camp dans un pays renforce les travailleurs et les peuples opprimés partout dans le monde, toute défaite d’une lutte importante a des répercussions ailleurs. Nous ne pourrons pas construire le socialisme durablement dans un seul pays même si une victoire au niveau national serait un formidable encouragement pour tous les peuples du monde.

Nous sommes solidaires des sans-papiers mais pas seulement en tant qu’opprimés : c’est une partie de la classe ouvrière de ce pays et c’est un problème politique majeur que les capitalistes et le gouvernement puissent arriver à diviser le monde du travail sur cette question.

Nous devons exprimer haut et fort notre opposition à tous les projets racistes du gouvernement et aux idéologies racistes, qu’elles visent les immigrés, les descendants d’immigrés ou les Roms comme on l’a vu récemment. Cela suppose de mener des campagnes politiques du parti autour de ce thème. Les militants du NPA s’opposent également aux préjugés racistes au jour le jour sur nos lieux de travail et d’études.

Il faut combattre le racisme sur le plan idéologique, mais aussi sur le terrain de la lutte des classes, en particulier les grèves. Les batailles collectives contre le patronat et le gouvernement permettent de prouver dans la pratique que l’unité des exploités indépendamment de l’origine, de la religion etc est la solution pour améliorer la situation de tous. Cela souligne la nécessité de se construire dans les secteurs les plus exploités, dans les secteurs les plus populaires de la jeunesse et dans les métiers d’exécution où les salaires sont faibles et où les populations victimes du racisme sont surreprésentées.

Le droit à l'autodétermination des peuples et à l'indépendance est un droit inconditionnel. C’est notamment le cas pour les peuples des dernières colonies françaises. C’est la raison pour laquelle nous soutenons leur lutte, comme nous combattons plus généralement l’impérialisme de la France au service de ses entreprises (Total, Françafrique…), tout en cherchant à lier le combat pour l’émancipation nationale avec celui pour l’émancipation sociale.

La question palestinienne a une importance considérable : la résistance de ce peuple a valeur de symbole pour tous les peuples opprimés. Elle rencontre un écho très important dans de nombreux secteurs de notre propre camp social. La place du NPA est donc d'être en première ligne du mouvement de solidarité, de défendre le droit inconditionnel à l'auto détermination et pour cela leur le droit à la résistance. Nous défendons les droits fondamentaux du peuple palestinien, en nous appuyant sur différentes campagnes dont la campagne BDS. Mais au-delà, nous cherchons à construire des liens avec les forces qui, sur le terrain, mènent la lutte pour la défense de leurs droits nationaux et pour l’émancipation sociale, contre l’Etat colonial sioniste, contre l’impérialisme et contre les bourgeoisies locales, qu’elles soient israéliennes ou arabes.

Notre politique a donc une dimension internationaliste qui n'est pas uniquement de solidarité mais d'unité des combats de tous les exploités. Nous voulons contribuer à construire une nouvelle Internationale, en lien avec d’autres courants anticapitalistes et révolutionnaires.

Conclusion :

C’est désormais de plus en plus une hypothèse dont il faut tirer toutes les conséquences: le pire de la crise risque encore d’être devant nous. Après la Grèce et l'Irlande, la crise de la dette pourrait toucher le Portugal, l'Espagne, l'Italie... au point de remettre en cause l'euro et l'Union européenne. Les politiques de rigueur se succèdent et s'aggravent à l'échelle du continent pouvant faire de l’année qui vient une année dramatique pour le monde du travail.

En même temps, nous commençons à percevoir les premières réactions. Les mobilisations populaires se multiplient à cette échelle. En France même, la classe ouvrière en revenant sur le devant de la scène a donné à la période une tonalité anticapitaliste. Car au-delà de la question des retraites, c’est le refus de payer la crise qui s’est exprimé. Au travers de la mobilisation lycéenne, c'est la question de l'avenir de toute une génération qui s’est imposée. La lutte sur les retraites n’est pas forcément terminée dans le sens où elle peut rebondir de bien des façons, sur bien des terrains, et constituer une étape dans un mouvement général et de plus longue durée de reconstruction d'une conscience politique ouvrière.

C’est en tout cas dans cette perspective que nous devons inscrire le choix du NPA. Il est possible de surmonter la crise que nous avons connue. Mais pour cela, le parti doit approfondir et préciser un peu mieux la politique qui a été la sienne au moment de sa fondation, une politique pour le renversement du capitalisme, en rupture avec les institutions, indépendante du PS et ses alliés et, surtout, qui s'adresse directement aux travailleurs, s'appuie sur les besoins, les aspirations et la conscience de cette base qui cherche à résister aux attaques en même temps qu'elle cherche les voies de son émancipation.

Alex (CPN, Rouen rive gauche), Annie (CPN, La Roche-sur-Yon), Armelle (CPN, Asnières-Gennevilliers), Audrey (CPN, Dijon), Caroline (CE, comité jeunes 92Nord), Dimitri (CPN, comité jeunes 92Nord), Dominique (CPN, Montbéliard), Françoise (CPN, Mulhouse), Gaël (CE, Poste-Fedex 92Nord), Jacques (CE, Mulhouse), Jaèn (CPN, Uzège Pont-du-Gard), Jean-François (CE, Montreuil), Jean-Noël (CPN, Bar-le-Duc), Joaquin (CPN, Mulhouse), Marthe (CPN, comité jeunes Aix-Marseille), Mathilde (CE, comité jeunes 92Nord), Pauline (CPN, Pantin), Sébastien (CPN, 74Nord), Simone (CPN, La Rochelle), Sophie (CPN, Nancy), Virginie (CPN, Paris17).

Avec le soutien du Comité d’animation provisoire issu de la rencontre nationale du 23 mai.