Publié le Dimanche 2 juin 2013 à 21h17.

Socialistes Français, droite allemande : Fausse polémique, vraie complicité

Par Yann Cézard

 

Le 2 mai 2013, la commission européenne offrait son cadeau d’anniversaire à François hollande : un sursis de deux ans pour appliquer la fameuse « règle d’or » budgétaire d’un déficit public à 3 % du PIB.

Sauf que le commissaire européen aux affaires économiques, Olli Rehn, se chargeait aussitôt de rappeler les contreparties : la France devait profiter du délai imparti pour « mener des réformes structurelles de grande ampleur. » au menu, sans surprise : la réforme des retraites, du marché du travail, de l’assurance-chômage, une « plus grande ouverture à la concurrence des marchés, notamment ceux de l’électricité ou du transport ferroviaire ».

le 15 mai, veille de sa conférence de presse à l’Elysée, hollande se rendait à Bruxelles pour rassurer la commission, si tant est qu’elle en avait besoin : « en France, nous avons engagé des réformes de compétitivité et nous allons continuer, non parce que l’Europe nous le demanderait mais parce que c’est l’intérêt de la France. »

il le répétera dès le lendemain à paris : « le temps qui nous a été donné doit être mis au service de réformes de compétitivité et de croissance. Ce ne sont pas tant les déficits budgétaires que les écarts de compétitivité [entre les économies européennes] qu’il faut corriger. »

Patrons, vous avez aimé (sans l’avouer) la première année du règne socialiste ? Vous allez adorer la saison 2…

Le gouvernement hollande confirme donc bien, et définitivement, ce qu’il est : un gouvernement austéritaire et libéral de combat, qui a l’obsession de la « baisse du coût du travail ». comme tous les gouvernements européens actuels, qu’ils soient socialistes ou de droite.

Une politique absurde ?

Où nous amènent-ils ? C’est presque toute la zone euro qui est désormais en récession, la France l’étant depuis deux trimestres (- 0,2 % du PIB au dernier trimestre 2012 puis encore – 0,2 % au premier trimestre 2013). les plans d’austérité aggravent les effets de la crise générale du capitalisme, font s’effondrer les recettes fiscales… et gonfler à nouveau les déficits, censés pourtant justifier l’austérité ! C’est pour cela que la commission européenne, loin de faire un compromis avec le gouvernement français, n’a en réalité que pris acte de l’impossibilité d’appliquer la « règle d’or » pour l’instant.

Mais pour les dirigeants européens, tant pis. Ils n’ont aucune solution « contre la crise ». Ils se sont résignés à laisser l’Europe s’enfoncer dans une décennie de dépression économique. pour eux, cependant, il serait dommage de rater l’occasion d’une bonne crise pour mener leurs « réformes », qui visent à fonder la sécurité des profits et des fortunes sur l’insécurité sociale des travailleurs et des peuples. Ce que Naomi Klein appelait la « stratégie du choc ».

C’est bien la boussole commune de hollande et de Merkel.

La faute À Bruxelles ? À Berlin ?

C’est cette complicité active que « l’aile gauche » de la majorité gouvernementale ne veut pas reconnaître. D’où sa misérable polémique engagée à la fin avril. Bartolone a réclamé une « confrontation » avec l’Allemagne.

Montebourg, dans un entretien au Monde, a affirmé que « cette politique d’austérité conduit à la débâcle ». Mais pour préciser aussitôt que ce n’est pas la politique d’austérité conduite en France qu’il condamne, mais celle qui est… « imposée par l’Europe ».

Le ministre benoît Hamon a même réussi à dire sur RMC que l’austérité est appliquée en Europe « sous la pression de la droite allemande », puis, à propos de son propre gouvernement, que « nous ne conduisons pas une politique d’austérité » ! Comprenne qui pourra.

La virulence contre les « diktats » allemands sert ainsi à masquer l’engagement profond du pouvoir socialiste en faveur du patronat français, des banques, des plus fortunés. et le vide des propositions de cette gauche, qui ne conteste même pas le pacte de compétitivité de hollande, mais suggère seulement de lui mettre des garde-fous ! Face à la politique de misère du gouvernement : misère politique de la « gauche » du parti socialiste…

La riposte viendra décidément d’ailleurs, de la colère des classes populaires. peut-être de cette jeunesse européenne qui, dans des pays comme l’Espagne et la Grèce, subit des taux inimaginables de chômage, de 50 à 60 %, et pour laquelle le président français a fait une seule proposition : consacrer 6 milliards d’euros du budget européen « à la formation ».