Publié le Dimanche 9 juin 2013 à 22h27.

Europe USA : vers un grand marché transatlantique ?

Le 14 juin, la Commission européenne demandera au Parlement un mandat pour négocier un accord de libre-échange avec les USA. La question sera aussi soumise au prochain Conseil européen pour un engagement des États membres.

L’idée de « grand marché transatlantique », qui est dans les cartons depuis 1990, en est sorti en 2012 avec la constitution d’un « Groupe de haut niveau » piloté par le commissaire européen au Commerce et son confrère américain. Un projet en est sorti, baptisé « Accord de partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement » par Obama, Barroso et Van Rompuy le 13 février 2013. Un mois plus tard, la Commission européenne lançait la procédure, pour une mise en œuvre début 2015…La raison de cette accélération se trouve dans la crise, qui enfonce l’Europe dans la récession et freine la reprise aux USA. Le projet part du constat que les échanges UE-USA constituent la moitié des échanges internationaux et s’équilibrent à peu près, alors que les deux marchés sont soumis à la concurrence des marchandises venues des pays émergents. L’idée est de créer une barrière aux importations sur les frontières de la zone UE-USA pour favoriser le développement des échanges intérieurs.

Montée du protectionnismeComme les droits de douane sont déjà très bas, cela passera surtout par des aspects « réglementaires ». USA et UE utilisent déjà ce type de règles (sanitaires, de respect de l’environnement, voire de conditions dans lesquelles sont fabriquées les marchandises) pour protéger leur économie. Il s’agit de les harmoniser au sein de la zone pour « fluidifier » les échanges internes, tout en faisant en sorte qu’elles fassent barrage aux marchandises venues de l’extérieur… Ce « protectionnisme par la norme » permettrait, selon la commission européenne, d’augmenter de 28 % (187 milliards d’euros) les exportations de l’UE vers les USA. Cela se traduirait par « 547 euros d’augmentation de revenu par an pour une famille de 4 personnes » et entraînerait, bien sûr, une reprise de l’emploi… Mais on sait ce que valent ces prévisions de « spécialistes ». Et il est probable qu’un tel accord poussera à un alignement par le bas de diverses législations (normes de qualité, sociales, « exception culturelle »… De plus, comme toutes les politiques protectionnistes même masquées, ce traité ne peut qu’exacerber les contradictions aussi bien économiques que politiques, aggraver la crise.Divers militants antilibéraux ainsi que le Parti de gauche viennent de lancer l’offensive contre ce traité. Mais ils le font au nom du respect du souverainisme européen cette fois, qui serait menacé par la mainmise des États-Unis : « Nous ne voulons pas d’une Europe américaine », écrit même le PG. Le problème est que sur ce terrain glissant, beaucoup, y compris Marine Le Pen, se sont engouffrés. En quoi la défense de la souveraineté de l’Europe des banquiers face aux États-Unis peut-elle constituer une perspective politique pour les travailleurs et les peuples ?La lutte contre les ravages du libre-échange ne sera efficace que si elle se situe du point de vue des travailleurs et des peuples, du point de vue d’une autre Europe qui agisse pour briser le cercle vicieux du libéralisme qui détruit les acquis sociaux et démocratiques en mettant les peuples en concurrence.

Daniel Minvielle