Publié le Dimanche 1 février 2015 à 21h15.

Pour son IIIe Congrès, le NPA regarde vers la Grèce (les Inrocks)

Le troisième Congrès national du NPA se tenait à Saint-Denis du 30 janvier au 1er février. Pour conjurer le sort de sa situation interne délicate et de la faiblesse des mobilisations sociales en France, le parti cherche l’inspiration en Grèce et en Espagne. 

Une odeur de merguez grillée et de café noir a envahi la Bourse du Travail de Saint-Denis ce samedi 31 janvier à midi. Les congressistes du NPA – quelques 200 personnes – réunis pour la troisième fois depuis la fondation du parti en 2009, reprennent des forces avant la reprise des débats. Ils en auront besoin. En interne, la situation est tendue : le parti est passé de 9000 adhérents en 2009 à 2100 aujourd’hui, Philippe Poutou a démissionné de la direction collective avec fracas en septembre 2014, et deux tendances principales s’affrontent sur l’attitude à avoir vis-à-vis du Front de gauche notamment.

“Nous sommes très en deçà de notre objectif initial, que ce soit numériquement, politiquement et dans la construction des résistances, convient le politologue membre du NPA Julien Salingue. C’est lié à deux choses que nous n’avons pas anticipées : la faiblesse des mobilisations face à la crise économique et sociale, alors que notre courant politique est toujours plus fort et plus audible quand il y a des mobilisations, et l’apparition du Front de gauche, qui est né presqu’en même temps que nous et qui a occupé un espace politique intermédiaire entre nous et le PS”.

“Les vents chauds qui nous viennent de Grèce et d’Espagne”

En comparaison, la victoire de Syriza en Grèce le 25 janvier et la montée en puissance de Podemos en Espagne jettent une lumière crue sur l’inertie voire le recul de la gauche radicale en France. C’est vers ces expériences que l’attention des militants réunis ce week-end se tourne naturellement. En face d’un stand de livres militants – dont son récent essai, Affinités révolutionnaires -, Olivier Besancenot présente une mine grave. “Il faut s’inspirer des vents chauds qui nous viennent de Grèce et d’Espagne, et réfléchir à un moyen d’actualiser une perspective unitaire anticapitaliste dans le cadre de la situation française”, constate-t-il.

Conscient du décalage entre la progression fulgurante de ces partis et la stagnation de l’autre gauche en France, l’ex-figure de proue du NPA cherche dans ces exemples l’étincelle qui pourrait raviver la flamme de l’anticapitalisme : “L’une des leçons de la victoire de Syriza et de la progression de Podemos, c’est que l’indépendance totale vis-à-vis de la social-démocratie et l’idée d’autoreprésentation politique dans le cadre du discrédit des partis payent”.

L’absence de feu sous la marmite

Les militants ne se voilent cependant pas la face : à la différence de la Grèce et de l’Espagne, où d’importantes mobilisations ont accompagné l’ascension de ces partis, le climat social en France étouffe pour le moment toute possibilité de soulèvement contre les politiques d’austérité. “La victoire de Syriza a été possible parce qu’il y avait du feu sous la marmite, convient la porte parole du NPA Christine Poupin. C’est à la chaleur des manifestations et des grèves qu’une rupture franche avec les politiques d’austérité a eu lieu”. Or pour l’instant, les syndicats et mouvements sociaux en France sont atones, comme paralysés par l’identité socialiste du gouvernement.

Les raisons de se mobiliser ne manquent pourtant pas aux yeux des adhérents du parti trotskyste, à commencer par la loi Macron. “L’absence de riposte à la loi Macron est à pleurer, alors que c’est une loi de destruction de tous les moyens de protection collective des salariés !”, estime Christine Poupin.

L’affaire Lepaon n’est pas pour rien dans le manque de réactivité de la CGT, comme le confirme Philippe Poutou, lui même délégué CGT dans l’usine Ford de Blanquefort (Gironde) : “La loi Macron est révélatrice de notre impuissance, mais la CGT est elle aussi à coté de plaque car prise par des conflits de bureaucrates”. Pour l’ex-candidat à la présidentielle du NPA, son parti doit s’unifier pour reconstruire un mouvement social large et unitaire, et pas perdre de temps en disputes intestines et querelles d’ego : “Les gens ne militent plus par manque d’espoir, nous en souffrons, et pourtant nous nous rajoutons encore des problèmes en menant des batailles en internes”, regrette-t-il.

“L’unité n’est pas le ralliement”

Sur les cinq plateformes soumises aux votes des congressistes pour élire la nouvelle direction du parti, les deux plus importantes (la P1 et la P2, qui ont recueilli respectivement 35% et 26% des voix) se disputent sur l’attitude à avoir par rapport au Front de gauche, et sur la pertinence de se réclamer de l’“opposition de gauche” au gouvernement… Philippe Poutou n’a voté pour aucune des cinq tendances. Olivier Besancenot, favorable à des “convergences” à gauche, soutient le P1 tandis que le leader historique de la LCR (Ligue communiste révolutionnaire, à l’origine du NPA) Alain Krivine, pour une stricte indépendance sur le plan électoral, soutient la P2.

“Cela n’empêche pas d’affirmer ce qui nous rassemble dans le cadre des activités de notre organisation, y compris au-delà de nos rangs, tempère Olivier Besancenot. L’unité n’est pas le ralliement à telle ou telle position, c’est de mettre en avant ce qui nous rassemble dans notre diversité”. Entre merguez et luttes picrocholines, le IIIe Congrès du NPA n’a tout de même rien d’un dîner de gala.