Publié le Mardi 17 mars 2015 à 10h03.

Solidarité avec les travailleurs et le peuple grecs. Non au diktat du 20 février, annulation de la dette

Résolution adoptée par le Conseil politique national du NPA de mars 2015.

Le rejet des politiques d’austérité imposées au peuple grec par la troïka et la bourgeoisie grecque s’est traduit lors des élections du 25 janvier par la déroute des partis qui s’en étaient faits les agents serviles et par la victoire de Syriza puis la formation d’un gouvernement sous la présidence d’Alexis Tsipras.

Il s’agit là d’un tournant important dans la crise chronique que connaît l’Union européenne sous la pression des politiques mises en place par les différents États sous la houlette de la commission européenne et du FMI.

Le peuple grec impose un débat au niveau de l’Europe contestant la légitimité des politiques européennes et de la dette. Il l’impose au niveau des institutions européennes mais aussi au sein du mouvement ouvrier, syndical et politique.

La confrontation entre l’Eurogroupe (réunion des ministres des finances de la zone euro), le gouvernement Tsipras, les travailleurs et les classes populaires grecs est un enjeu et une expérience pour l’ensemble des travailleurs et classes populaires des pays de l’Union européenne et au-delà. 

Elle pose une question fondamentale : est-il possible d’en finir avec l’austérité sans remettre en cause les institutions politiques et financières de l’Union européennes, l’Europe du capital, sans contester la dette et la propriété privée capitaliste ?

 

Un nouveau diktat de la Troïka, un renoncement majeur

Tous les responsables de l'Union européenne, du ministre des finances allemand au président de l'Eurogroupe en passant par le président de la Commission européenne et sans oublier les représentants du gouvernement français, ont martelé que les élections ne peuvent pas changer les traités.

Dans cette confrontation entre le nouveau gouvernement grec et les principales puissances de la vieille Europe, un premier acte s’est achevé fin février, avec l’annonce de l’accord signé entre le gouvernement grec et l’Eurogroupe le 20 février, et les engagements du gouvernement grec présentés et approuvés par l'Union européenne le 24 février. Contrairement aux illusions répandues par la direction de Syriza et le gouvernement Tsipras, les gouvernements de l'UE – français et italien compris – se sont montrés unis à la position allemande et inflexibles : pas question de laisser ouvrir la moindre brèche dans les politiques d'austérité au service des multinationales et de la finance globalisée ! 

Résultat d’un ignoble chantage, l'accord du 20 février constitue clairement une agression politique contre le peuple grec mais aussi contre ceux de toute l’Europe. Sous couvert de prolonger l’« aide financière » à la Grèce pour les quatre mois à venir, il maintient le règne de la troïka (rebaptisée pour l’occasion « institutions »), interdit au gouvernement grec toute mesure unilatérale, autant dire toute indépendance politique, et l’engage à rembourser intégralement la dette. Le gouvernement s’engage en outre à ne pas augmenter la masse salariale du secteur public, à introduire les pratiques managériales fondées sur le mérite dans le secteur public, à ne revenir sur aucune privatisation, à flexibiliser le marché du travail.

Il aura donc fallu moins d’un mois pour qu’apparaissent en pleine lumière les obstacles contre lesquels butera immanquablement tout gouvernement prétendant rompre avec l’austérité, même sur la base d’un programme minimal, s'il refuse d'engager une rupture avec les institutions du capital européen en inscrivant sa politique dans la perspective d’une Europe des travailleurs et des peuples.

 

Dire les choses telles qu'elles sont

L’exercice auquel s’est livré Tsipras, affirmant avoir « gagné une bataille », paraît fonctionner pour l’instant, mais son efficacité se heurtera rapidement à l’épreuve des faits. Le peuple grec risque fort de se détourner de Syriza si le parti ne respecte pas ses engagements électoraux, plongeant le pays dans une nouvelle crise politique, avec le risque – assumé implicitement par l’Union européenne, mais aussi par les gouvernements français et allemand – qu’Aube dorée sorte renforcé de ce qui serait une défaite pour le monde du travail. Seule la mobilisation populaire sera capable de contraindre le gouvernement à rompre son accord avec la Troïka afin d’imposer la rupture avec l’austérité

Cela suppose d’assumer l'affrontement avec les institutions européennes et la bourgeoisie grecque pour imposer le refus de payer la dette, son annulation (et non sa « restructuration »), condition nécessaire pour sortir de l’austérité et de la régression sociale.

Les pressions – présentes et à venir – de la BCE ainsi que la fuite des capitaux exigent la réquisition de la banque centrale grecque, la socialisation intégrale du système bancaire grec pour créer un monopole public bancaire capable de contrôler des mouvements de capitaux et de mettre en œuvre une politique répondant aux besoins de la population.

Etre solidaire du peuple grec, c’est dire la vérité : la stratégie consistant à négocier avec des institutions représentant les intérêts du capital, en renonçant par avance à toute initiative unilatérale, ne peut aboutir qu’à la défaite, au statu quo et au désespoir.

 

Rien n'est joué, la lutte continue

L’accord gouvernemental avec la droite souverainiste d’ANEL, l’élection d’un Président de la République de droite, les reculs inclus dans l’accord avec la Troïka indiquent clairement les limites du gouvernement Tsipras et à quel point les travailleurs ne doivent compter que sur eux mêmes.

Mais son recul, son renoncement majeur ne sont pas la fin de la bataille, encore moins de la guerre engagée au niveau européen entre les classes dominantes et les peuples. De nouvelles négociations vont s’engager, avec des rebondissements toujours possibles. D’autant que les dernières décisions de Tsipras ont provoqué des remous importants. Certaines composantes de Syriza ont pris position contre l’accord avec Bruxelles. C’est le cas de DEA, la Gauche ouvrière internationaliste. C’est aussi le cas de Manolis Glezos, héros de la résistance grecque et député européen. Sur un ton plus modéré, Costas Lapavitsas, économiste et député de Syriza, ainsi que Panayotis Lafazanis, ministre du Redressement productif et chef de file du plus important courant de la gauche de Syriza (le « Courant de gauche »), ont exprimé des réserves. 41% du Comité central de Syriza a contesté l’accord avec l’Eurogroupe

C’est le cas aussi des forces anticapitalistes et révolutionnaires regroupées dans Antarsya ainsi que du KKE et sa fraction syndicale PAME bien que le sectarisme de ces derniers soit un obstacle au développement de la mobilisation.

Cette opposition est décisive car, si le gouvernement reste plus que jamais soutenu par le peuple grec, son crédit risque de s’effriter à mesure que s’approfondira dans les prochains mois la contradiction entre les mesures d’urgence mises en avant durant la campagne et l’acceptation du cadre européen de négociations, qui exclut toute politique au service des travailleurs et des populations.

 

Notre solidarité

La lutte du peuple grec est notre bataille, elle est celle de toute la classe ouvrière des pays de l’Union européenne.

Les capitalistes sont unis au niveau européen et mondial, nous devons y opposer l'unité de celles et ceux qui ne supportent plus les effets de l’offensive capitaliste.

Face aux agressions de l'UE contre la Grèce, nous défendons l'annulation de la dette supposément due par la Grèce : en particulier, celle des 42 milliards d'euros de créances que le gouvernement français détient. Et si quelqu'un doit payer, ce ne sont pas  « tous les Français » comme le prétend la propagande gouvernementale et réactionnaire, selon laquelle nous devrions « tous » déverser 700 euros en cas de défaut de la Grèce… Ce sont nos banques multinationales et multimilliardaire, qui se sont engraissées sur le dos du peuple grec comme de ceux de toute l'Europe, et face à leur crise ont été « sauvées » grâce aux fond publics.

Notre solidarité est d’abord notre propre lutte contre les politiques d’austérité, en premier lieu pour le rejet de la loi Macron. C’est œuvrer au succès de la journée du 9 avril et militer pour en faire un premier moment de rassemblement des forces du monde du travail pour affronter le gouvernement PS-Medef, modifier les rapports de forces.

Notre solidarité c’est aussi participer à toutes les initiatives de soutien au peuple grec contre la troïka et le FMI, à la constitution de comités unitaires sans apporter de soutien à la politique au gouvernement Tsipras, à l'établissement de liens concrets avec les secteurs en lutte en Grèce comme le fait la campagne « Solidarité France Grèce pour la santéé. C’est animer et porter le débat politique dans nos organisations syndicales, associatives, sur nos lieux de travail et d’habitation, dans la jeunesse pour y défendre la perspective d’une rupture avec les politique d’austérité par l’annulation de la dette, la mise en place d’un monopole public bancaire, la nationalisation sous contrôle des travailleurs des entreprises stratégiques, la rupture avec les politiques menées en faveur du patronat par les gouvernements de gauche comme de droite qui se succèdent au pouvoir et dans la perspective d’une Europe socialiste des travailleurs et des peuples.

En Grèce s’est ouverte une brèche, à nous de l’élargir.