Publié le Jeudi 11 février 2010 à 20h20.

La LCR passe larmes à gauche (Libération du 10 février)

Il ne fait aucun doute que le film de Camille de Casabianca constituera une archive essentielle lorsqu’Olivier Besancenot sera élu président. En attendant, il faut découvrir ce documentaire pour ce qu’il est, l’observation tendre et ironique d’une mutation au cœur de l’extrême gauche française.

Pendant un an, la réalisatrice a planté sa caméra partout où elle pouvait assister à l’agonie de la LCR (Ligue communiste révolutionnaire) et au difficile accouchement du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste). Dans les meetings où jeunes rebelles à tee-shirts engagés bien que datés (le Che, Sandinista…) croisent des révolutionnaires un brin émoussés. Dans les réunions du bureau politique, alors que le facteur anticapitaliste tente avec l’énergie de l’espoir de convaincre les camarades qu’il ne doit pas être le messie médiatique qu’ils attendent. Sur les plages de la première université d’été, à Port-Leucate, entre plaisir de se retrouver et prises de parole absconses au mégaphone qui auraient eu leur place chez monsieur Hulot.

Pour la réalisatrice, l’occasion était trop belle d’ouvrir son film sur un moment drôle et un peu triste comme tous les déménagements. Avant de devenir le siège du NPA, les antiques locaux verdâtres de la Ligue, à Montreuil, font peau neuve. Les militants vident les armoires dans des bennes à ordures en contrebas de l’immeuble. Du passé, ils font donc table rase, mais non sans mal. François Sabado, un vieux de la vieille, met la main sur le cahier qui fut, de 1986 à 1989, le compte rendu des réunions du bureau politique. Pendant qu’Alain Krivine observe le manège et que Besancenot descend la photocopieuse, la caméra s’attarde sur les œuvres complètes mais poussiéreuses de Lénine, que personne ne s’est encore résolu ni à conserver comme une relique ni à jeter.

Outre l’affection avec laquelle Camille de Casabianca filme ses protagonistes, le docu laisse aussi grande ouverte la porte d’un avenir incertain, aussi excitant qu’angoissant. Une partie de la réponse est à observer dans l’œil rigolard d’Abdel, jeune militant avignonnais, qui se démène comme un diable pour que ça marche. Pour Abdel, cela ne fait aucun doute : c’est bien parti.

Bruno Icher.